The Butcher of the Forest - Premee Mohamed

Il y a des années de ça, quelqu'un disait dans une interview : « Les Blancs nous emmerdent avec leurs problèmes » . C'était Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino – je ne sais plus lequel – et il parlait, si mes souvenirs sont bons, des clips de Talking Heads ou de Laurie Anderson. Tu vois, lecteur, que je source avec grande qualité cette brève chronique. Que celle de ces deux personnes qui s'est vraiment exprimé sache que, dorénavant, c’est à peu près tout le monde qui nous emmerde avec ses problèmes. Démarrer ainsi la chronique de The Butcher of the Forest , novella fantastique de Premee Mohamed, te permet de subodorer, sagace lecteur, que je ne l'ai pas vraiment appréciée. Détaillons un peu plus. Temps et lieu indéterminé. Espace-temps des contes. Veris est une femme d'une quarantaine d'années qui vit dans un petit village, au cœur d'une région conquise par un tyran (oui, c'est son seul nom dans le texte) après une guerre et des massacres innommabl...

L'horreur, l'horreur


Une brève recherche sur Internet m'a donné l'impression d'être le premier à écrire une chronique sur "Prototype" de Brian Hodge. J'espère pour lui que je ne suis pas aussi son seul acheteur.
Certes, "Prototype" est un roman difficile à chroniquer. Qu'en dire ? Clay Palmer est hospitalisé après un accès de violence extrême ; une psychologue s'attache à son cas et découvre qu'il est porteur d'une mutation presque unique, une trisomie sur la paire 12. Le roman raconte la quête de Palmer pour comprendre ce qui lui arrive, découvrir si son patrimoine génétique détermine son avenir, tenter de canaliser son ultra-violence.
Brian Hodge brasse beaucoup d'idées dans "Prototype". Le lecteur y croisera le débat inné/acquis (qui est le coeur du récit), la peur de la solitude et de la singularité, le dégout de la société industrielle standardisée, la marchandisation du corps, le processus artistique jusqu'à l'autodestruction, la folie eugéniste, Nietzsche mal lu par un trafiquant d'armes, les grandeurs et petitesses de l'amour, entre autres. Commençant par des séances de psychothérapie dans un service hospitalier, "Prototype" plonge dans l'underground artistique avant de se transformer encore, cette fois en road-movie. La lente progression de Clay Palmer et de celles qui l'accompagnent rappelle inévitablement celle du capitaine Willard dans Apocalypse Now, toujours plus loin dans l'ipséité, plus loin dans l'horreur, plus loin dans le détachement du monde et la transvaluation, jusqu'à une vérité cathartique primordiale. Jung est convoqué, avec inconscient collectif et pratiques shamaniques ; psychologie, génétique et anthropologie s'accouplent scandaleusement ; "Prototype" est un roman où on converse beaucoup, longtemps et intelligemment. Hodge confronte les idées, les hypothèses, ne donne jamais de réponse tranchée ou définitive. La quête est en cours, les réponses n'existent pas encore. Même à la fin, chacun pourra interpréter le dénouement comme il l'entend.
Au service de ce monumental fond, l'écriture de Hodge est impressionnante. Il décrit avec force détails un monde en corrosion, dans lequel des inadaptés tentent de survivre et de trouver un peu de plaisir et d'amour ; mais survivre serait déjà bien. C'est des marginaux dont il parle et de la souffrance que leur inflige leur marginalité. Son ton est juste, ses dialogues encore plus, ses descriptions, nombreuses et minutieuses, immergent le lecteur dans le monde de Palmer, entre attirance et répulsion. My friends are freaks chantaient les Virgin Prunes dans cette chanson dont "Prototype" m'a éveillé des échos. Et Hodge montre que les freaks, contrairement à ce que pensait Tod Browning, ne forment pas une communauté aimante. Trop de pathos, trop de passif empêchent les relations simples. Et il est logique de se demander comme le faisait les Prunes Is pain the only comfort ?
"Prototype" est un roman très noir. Je souhaite spoiler le moins possible en disant que l'espoir n'y a pas sa place, comme il n'y en avait pas dans Lettres d'Iwo Jima. Voila peut-être ce qui a fait fuir d'autres chroniqueurs potentiels, avec le parti-pris de Hodge de multiplier les hypothèses sans imposer de solutions. Mais c'est avant tout un roman intelligent, beau, fort, nanti de personnages qui prennent au coeur et dont aucun malheur ne laisse indifférent, un roman qui parle tant au cerveau qu'à l'âme ; en définitive, c'est un roman qu'on termine en se disant qu'on a bien fait de le lire.
Prototype, Brian Hodge

Commentaires

Le pendu a dit…
Belle chronique, ça fait envie !
Gromovar a dit…
Je crois que le livre le mérite.
BiblioMan(u) a dit…
Très envie même... tu sais si une traduction est prévue ?
Gromovar a dit…
Malheureusement je crois que ce n'est pas à l'ordre du jour.
Maëlig a dit…
Miam tentant, par contre le bouquin a l'air relativement introuvable, comment tu es tombé dessus?
Gromovar a dit…
Histoire indirecte en effet. Pour Noël, on me demande ce que je veux. Comme j'achète moi-même ce que je veux, en général ce que je voulais vraiment je l'ai déjà, du coup j'en profite pour faire un peu les fonds de tiroir. Cette année c'était les vieilles publications des petits éditeurs français. On m'a donc offert le recueil de nouvelles de Hodge "Musiques liturgiques pour nihilistes". J'ai vraiment aimé, donc j'ai cherché sur Amazon US ce qu'il y avait d'autre et voila. Je précise que Prototype m'a coûté 3$ en version Kindle. Groovy !
Munin a dit…
Très belle critique. Je suis conquis.
Gromovar a dit…
Je milite pour une traduction.
BiblioMan(u) a dit…
J'ai vu que tu l'avais suggérée à Thibaud Eliroff ;O)