Cette semaine, je reçois les deux corbeaux les plus célèbres de la blogosphère, j'ai nommé Hugin et Munin,
du blog du même nom. Après avoir sévi à
Casus Belli papier, puis hanté le net en créant notamment le personnage de Bob, les deux volatiles vont gagner une nouvelle notoriété grace au film
Thor, drolatique adaptation dans laquelle
Heimdall, dieu nordique, est joué par
Idris Elba, ce qui est à peu près aussi pertinent que lorsque Fernandel jouait
Ali Baba.
1)
Bonjour, peux-tu te présenter en deux mots (tu peux être aussi bref que tu veux… jusqu'au néant)Hugin : Cédric Ferrand, 35 ans, marié et jeune papa d'une petite Fiona. Je bosse aux Ressources humaines d'une grosse banque québécoise.
Munin : Philippe, 38 ans, marseillais d'adoption exilé en région parisienne. J'ai deux métiers : consultant en organisation et père de 4 enfants (deux garçons de 7 et 5 ans, deux filles de 18 mois). Le plus exigeant est celui qui paie le moins.
2)
Pourquoi avoir créé un blog ? Est-ce le premier ? Le seul ?Munin : J'ai un
blog pro, mais il est tout neuf et ne compte pas vraiment. Mon vrai et seul blog, c'est HuMu, et c'est Cédric qui en a eu l'idée le premier.
Hugin : Oui, j'ai créé un premier blog qui s'appelait "Jamais 203". J'ai à peine publié un billet ou deux que Philippe m'a proposé la colocation.
Munin : C'était un moyen pour nous de continuer l'écriture à deux. On écrit à 4 mains depuis notre collaboration à Casus Belli, et le blog était un moyen de garder ce contact.
Hugin : On a donc ouvert HuMu chez Overblog puis on a migré chez Blogger par la suite. Pour le pourquoi, je me pose encore la question.
Munin : Les plantages à répétition. Tu ne te rappelles pas ? Mais je crois que ça permettait surtout de faire évoluer ce qu'on voulait faire du blog. La migration, c'était comme un déménagement, qui nous permettait de choisir ce qu'on voulait garder des archives, et ce qu'on laissait derrière nous. Quand on l'a créé, le blog devait nous permettre de parler de nos projets communs d'écriture et de discuter de la lecture sur l'exemple de la défunte rubrique Encyclopedia Universalis de Tristan Lhomme, dans Casus. On a eu un moment l'idée saugrenue de critiquer les romans produits dérivés de jeux de rôle. On a aussi fait des critiques de suppléments de JdR. Puis Cédric, moins monotâche que moi, s'est mis à parler d'expos, de séries TV, de BD… Le lien avec le JdR était de plus en plus tenu.
Hugin : Et comme je suis un rôliste cyclothymique, HuMu a été purgé plusieurs fois de son contenu rôlistique quand je pensais en avoir terminé avec ce passe-temps. Il y a quand même des bourgeons qui repoussent quand je repasse en mode passionné. Sinon j'ai un autre blog qui avait pour but de me trouver un éditeur pour mon premier roman. Comme l'objectif a été atteint, ce blog est un peu en stase en attendant que le roman soit dans les librairies.
3)
Combien de temps y consacres-tu ?Hugin : Pas des masses de temps, en vérité. J'écris d'un trait, sans me relire. J'essaye de ne pas trop peaufiner car je veux que ça garde une certaine fraîcheur.
Munin : Encore moins de temps que Cédric ces derniers mois, car l'arrivée de mes jumelles et la reprise de mes études m'a bouffé pas mal de temps-clavier. Idéalement, je vise deux articles par semaine, qui me demandent environ 1 à 2h de temps. Je suis plus perfectionniste que Cédric, je reviens souvent à plusieurs reprises sur mon travail. Ce qui est publié sur Internet ne s'efface jamais, et je pèse mes mots. Après avoir écrit une critique, je fais souvent des recherches pour voir ce que d'autres ont pu dire, j'ajoute des liens, etc. Et je tourne ma souris 7 fois dans ma bouche avant de cliquer sur "Publier".
Hugin : J'ai effectivement moins conscience que Philippe de la permanence de mes textes. Je monte très vite sur mes grands chevaux et s'il ne me freine pas ça peut très vite débouler sur des commentaires assassins que je regrette très vite. C'est une différence entre lui et moi qui se retrouve de manière constante dans nos collaborations : il cogite, il planifie, il structure. Je pars au quart de tour, je le bombarde de courriels et je ne fais aucun plan.
Munin : J'arrive quand même parfois à mettre mes pulsions de gestionnaire en veilleuse.
La première fois que j'ai blogué sous l'identité de Bob, j'ai pondu l'article en 15 mn. Un record pour moi !
4)
Blogues-tu tout ce que tu lis ?Hugin : Non, je sens bien que notre lectorat n'est pas toujours intéressé par mes lubies. Par exemple, Philippe m'a conseillé des livres géniaux sur le design et la PAO (je produis beaucoup de présentation PowerPoint et de graphiques Excel au bureau), mais je fais l'impasse sur ce genre de lecture pour mes billets. J'essuie souvent un silence poli quand je ne parle pas de SFFF sur HuMu, alors je ne tends pas le bâton pour me faire battre.
Munin : C'est vrai, on a remarqué que nos billets généraient plus de commentaires quand on parle de Fantasy et qu'on en dit du mal. Le succès de Bob en a été la preuve. La conclusion aurait dû être de n'écrire que des critiques méchantes de bouquins de Fantasy, mais cela nous condamnait à ne lire que des mauvais bouquins.
Hugin : Ce que j'apprécie dans notre partenariat, c'est qu'en plus d'une base de lecture commune, nous sommes intéressés par des univers légèrement différents. Par exemple, Philippe est passionné par la mythologie grecque, domaine dans lequel je suis d'une inculture crasse. Ses billets me permettent de combler mes lacunes. En retour, je regarde beaucoup de séries télévisées, ce qui fait que Philippe suit parfois...
Munin : Presque toujours !
The Tudors,
The Wire,
Sons of Anarchy,
Breaking Bad,
Rome...
Hugin : Presque toujours mes conseils. C'est donnant-donnant.
Munin : Et ça nous assure d'avoir toujours au moins un commentaire sous chaque billet.
5)
Comment choisis-tu ce dont tu parles sur ton blog ?Hugin : C'est Philippe qui a établi la règle dès le départ : "Si c'est scénarisé, tu peux en faire un billet".
Munin : Ah ouais j'avais dit ça ?
Hugin : Une règle que je ne respecte pas toujours, ceci étant dit.
Munin : Même moi, je ne la respecte pas toujours, cette règle. Quand je parle d'un jeu de plateau familial, il me semble difficile de dire que c'est scénarisé. Il nous faudrait une autre règle…
Hugin : Mais je ne choisis pas mes lectures en fonction du blog. C'est la raison pour laquelle je ne participe à aucun Challenge Relisons tout Tolkien en Sindarin et en 72h.
Munin : En règle générale, je blogue quand il s'agit de divertissement au sens général du terme, et quand l'œuvre n'est pas dans la moyenne – soit au-dessus, soit en-dessous. Il n'y a pas vraiment d'équivalent chez nous à tes "Bof".
6)
As-tu déjà lu certains livres simplement parce que tu te disais que ça pourrait faire un article intéressant pour ton blog ? Munin : Oui, je me suis fadé à une époque toute la production de romans Dungeons et Dragons dans l'univers d'
Eberron. J'en avais fait deux billets. J'ai encore chez moi 4 trilogies, mais je ne me sens pas vraiment le courage de m'y attaquer…
Hugin : Ton abnégation envers Eberron reste inégalée dans le blogosphère SFFF, d'ailleurs. Les gens mesurent mal les heures que tu as sacrifiées à cet exercice.
Munin : Tous des ingrats. Alors que toi, en tant que correcteur de romans WarHammer et WH40K, tu as pleinement conscience de la souffrance endurée. Le monde ne nous mérite pas, Cédric.
Hugin : Pour ma part, j'avoue qu'il m'est déjà arrivé d'acheter une merdouille fantasy en me disant "Gniark, gniark, gniark, ça sera l'occasion de pondre un billet bien senti, tiens". Mais plus maintenant.
7)
Depuis combien de temps lis-tu de la SFFF ? Hugin : Grosso modo, depuis le collège. Ma bibliothèque municipale de province avait un rayon SFFF très anémique, mais j'ai tout de suite été attiré par les anthologies de SF russe et les couvertures racoleuses de Gor.
Munin : Je vais répondre de façon très précise : la SF et le Fantastique, depuis l'âge de 12 ans; la Fantasy, depuis l'âge de 14 ans.
8)
A quel rythme lis-tu ? Hugin : En moyenne, deux bouquins par semaine.
Munin : Moins que Cédric, je n'arrive plus aujourd'hui à avoir cette cadence. Un bouquin par semaine dans les bons jours.
Hugin : Enfin, quand je dis deux bouquins par semaine, c'est des polars de 300 pages, hein. Les gros volumes de fantasy me font la semaine en général.
Munin : Avec Steven Erikson, je crois que je peux tenir jusqu'à début 2012.
Hugin : Erikson, ce ne sont pas des gros volumes, ce sont des briques. Il est pas payé au poids par son éditeur ?
Munin : Et il en sort un par an ! Si GRR Martin écrivait à la même cadence, il aurait plié sa saga en 2-3 ans.
9)
Que trouves-tu dans cette littérature de genre ? Hugin : Oh, comme tout le monde : un peu d'évasion, une réflexion sur notre réalité, des univers qui me font rêver, le frisson de l'inconnu... J'intellectualise très peu mes lectures. Mais il faut que ça soit bien foutu et bien écrit. Et qu'il n'y ait pas d'elfe dedans.
Munin : Je trouve des plaisirs très différents en lisant de la SF, du Fantastique, ou de la Fantasy. Je lis de la SF pour la prospective et la réflexion qu'elle permet; je lis du Fantastique pour le décalage avec la réalité, le sentiment d'étrangeté; enfin, je lis de la Fantasy principalement pour l'immersion dans une construction auto-référentielle - mythes, monde, histoire.
Hugin : C'est juste une façon pédante de dire la même chose que moi, non ?
Munin : Tu me casses ma baraque. Gromovar, tu peux supprimer la question de Cédric de l'entrevue ?
10)
Partages-tu cette passion avec ton entourage ? Hugin : Pas du tout. Ma femme ne lit pratiquement que des romans historiques et ma fille ne sait toujours pas lire à 11 mois. Du coup, je la tiens, la raison de la création du blog : le partage.
Munin : Ma femme ne lit pas non plus de SFFF, mais j'ai bon espoir de transmettre ce goût à mes enfants. Mes garçons sont bien partis, je leur lis Bilbo le Hobbit le soir. Mes filles adorent Petit Ours Brun. Est-ce qu'une histoire d'ours qui parle relève de la SFFF ?
11)
Quel a été ta première lecture SFFF ? Te souviens-tu de l'occasion qui t'a amené à cette lecture ? Munin : Comme je le disais, j'ai découvert la SFFF au collège. C'était pendant une classe verte, en lisant dans le car l'exemplaire du Monde des A de mon voisin pendant qu'il dormait. Quand il s'est réveillé, il m'a repris le livre et m'a prêté Dune. Puis le Monde des A pendant qu'il lisait
Fondation. A la fin du séjour, je connaissais Van Vogt, Herbert, et Asimov. J'étais initié. Deux ans plus tard, j'ai déménagé à Marseille, et j'ai rencontré dans ma nouvelle classe des rôlistes (ADetD !), qui m'ont fait découvrir la Fantasy avec Tolkien.
Hugin : Mon vrai premier contact était périphérique : il y avait à la bibliothèque un gros livre qui compilait des cartes imaginaires. Il y avait les Terres du Milieu, l'Atlantide, la Cité idéale de Platon et tout un tas d'autres univers. J'ai passé des heures à feuilleter ce livre (que l'on ne pouvait pas emprunter, il était juste en consultation) sans comprendre qu'il faisait référence à des oeuvres littéraires. C'est par la suite, quand j'ai rejoint le club de jeu de rôles de ma petite ville que les vieux (ils allaient à l'université) m'ont prêté leurs intégrales Elric,
Ambre et Tolkien. C'est là que j'ai fait la connection entre les cartes et les livres.
12)
Peux-tu nous décrire un (ou plus) grand souvenir de SFFF ? Hugin : Ça, de Stephen King. Le livre est lourd, je me cache sous la couette avec une lampe de poche pour échapper à la vigilance parentale. Les chapitres défilent, je suis complètement fasciné par cette histoire qui se joue sur deux âges différents. Les héros ont beau être des petits américains, je me reconnais en eux. Je fais mienne leur lutte contre ce clown. Et pour la première fois de ma vie, je suis incapable de résister à l'urgence impérieuse de lire le chapitre suivant.
Munin : C'est marrant, j'ai à peu près le même souvenir de Ça. En plus, je l'avais lu un été, donc l'identification aux personnages était encore plus facile. Mais j'en ai tellement, de souvenirs... Dur de faire un choix. Dans les (relativement) récents, Deadhouse Gates, de Steven Erikson, le 2e tome des
Malazan Books of the Fallen. Je n'en attendais pas grand-chose, j'avais été moyennement convaincu par le tome 1 et je n'ai pris le 2 que parce que j'étais vraiment en manque de grosse saga. J'ai été happé par l'intensité du récit, la tension sans cesse croissante, le foisonnement des personnages, et la complexité de l'univers. Dans les (beaucoup) plus anciens, Chroniques Martiennes, de Bradbury. Je le relis régulièrement, et les nouvelles Rencontre nocturne ou Les Villes muettes continuent de m'émouvoir d'une façon inexplicable. Je ne peux pas ne pas mentionner
La Forêt des Mythagos, de Robert Holdstock. Et je pourrais continuer longtemps, il y en a tant d'autres...
Perdido Street Station, la Maison des Feuilles,
Poker d'Ames,
le Royaume Blessé,
l'Ombre du Bourreau, Le Jardin de Suldrun... Pour ne parler que de SFFF...
Hugin : C'est vrai que les grands moments de lecture sont nombreux, avec le recul. Je me souviens encore de ma première lecture du Nom de la rose, avec ses citations en latin ou hébreu non traduites, son mystère pesant, cette incroyable ambiance oppressante et cette érudition savoureuse.
Munin : le Nom de la Rose comme le Pendule de Foucault ont été des claques pour moi aussi. Il y a tant de romans différents enchâssés les uns dans les autres dans ces deux livres.
Hugin : Dune, aussi, a été une incroyable odyssée qui m'a tenu en haleine pendant tout mon service militaire, m'occupant le cerveau tandis que l'armée faisait tout pour le vider. La Pierre et le sabre dans ma période japonisante où je lisais le Traité des 5 roues et l'Art de la guerre. L'Échiquier du mal, que j'ai lu d'une traite sous la pluie de Caen. Le traité du zen et de l'entretien des motocyclettes, évidemment. Mais mon premier héros, c'était Langelot dans la Bibliothèque Verte (avant de basculer dans les inévitables Club des 5 et Clan des 7).
Munin : On pourrait tous les deux continuer longtemps, mais je ne peux pas ne pas citer un de mes plus grands, plus forts, plus intenses souvenirs, c'est Diadorim, de João Guimarães Rosa. Je... Je... Argh...
Hugin : Bon, je vais avoir le dernier mot avec ma première nouvelle de Jorge Luis Borges (Tlön, Uqbar, Orbis Tertius ), une véritable déculottée. Question suivante ?
13)
Quel est le livre qui t'a le plus marqué récemment ? Hugin :
Le journal intime de Michael Palin, qui couvre l'âge d'or des Monthy Pythons de 1969 à 79. Pour comprendre comment a été tourné Sacré Graal et ce que c'était que de faire rire les gens dans les années 70. Et tout savoir sur le dentiste de Michael Palin.
Munin : Facile.
Walking Dead, à cause de toi et de
Néault. J'ai quasiment fait une nuit blanche sur la série avant d'aller bosser lundi dernier. Cédric en avait une critique mi-figue mi-raisin, mais quand tu as écrit ton billet, j'ai décidé de tenter le coup. Et j'ai pris une claque. Il faudra que je revienne sur le billet de Cédric, comme on le fait sur le blog quand on est pas exactement du même avis tous les deux.
14)
Vers quel genre SF, F, ou F, va ta préférence ? Et pourquoi ? Hugin : La fantasy revient plus souvent qu'à son tour. Peut-être parce que ces univers medfan ont très tôt forgé mon imaginaire à travers le jeu de rôles. Je suis souvent déçu, mais j'y reviens malgré tout. C'est à la fois confortable et surprenant. Je suis toujours en territoire connu sans toutefois trop savoir où je mets les pieds. Un dépaysement très balisé, finalement.
Munin : Je ne saurais pas trop dire. Ta question sur les souvenirs marquants me fait réaliser que la SF me procure une satisfaction plutôt intellectuelle, alors que le Fantastique et la Fantasy me font plus vibrer sur le plan émotionnel. Même si je trouve qu'il y a de très beaux moments dans les livres de SF. Au débotté, je pourrais en citer trois parmi d'autres : la chute de l'ascenseur orbital dans Mars la Rouge; la cérémonie Fremen du partage de l'eau dans Dune; et le tir de missiles contre la barrière céleste dans
Spin.
Hugin : Et que dire de la majesté de la scène où Drizzt Do'Urden décapite son premier gobelin, ou bien de la tension sexuelle sous-jacente entre
Félix et Gotrek ?
Munin : Ca m'aurait étonné que tu ne parles pas de Félix et Gotrek à un moment ou un autre.
Hugin : Ah, mais je peux aussi en appeler à des choses plus nobles. Il y a des pages de Gormenghast qui valent fastoches deux ou trois cantos d'Hypérion.
15)
Comment ont évolué tes goûts entre tes débuts en SFFF et aujourd'hui ? Hugin : Ce qui est marrant, c'est que ça fait peu de temps que je lis certains auteurs classiques du genre. J'ai tardé à lire Lovecraft, Howard et Leiber. Et je suis bien content car je n'étais sans doute pas armé pour les apprécier quand j'étais adolescent et que je me faisais les dents sur Moorcock, Zelazny et Asimov. Mes goûts n'ont pas tant changé. Je n'aime pas les histoires qui se déroulent dans l'espaaace, Elfquest me fait encore dégobiller, le Silmarilion m'emmerde comme ce n'est pas possible. Ça fait un bail que c'est ainsi.
Munin : Après mon séjour en classe verte, j'ai récupéré la collection de poches de SF d'un de mes oncles, ce qui m'a permis de lire quantité de classiques. A la même époque, je débarrassai ma grand-mère de sa collection, la mythique "Les Chefs d'Oeuvre de la Science-Fiction et du Fantastique". J'ai donc vécu pendant longtemps sur un fond de classiques, fait de OPTA/CLA, de vieux Présence du Futur, et des couvertures toilées noires de la collection sus-nommée. Quand je suis passé à la Fantasy, j'ai commencé par les classiques aussi, les Leiber, Howard, Moorcock.
Hugin : Ah ben oui, forcément, une grand-mère avec des bouquins de SF, ça aide. Moi, l'arrière-grand-mère n'avait que Pèlerin Magazine et l'almanach Vermot, forcément je pars de plus loin. Ceci dit, je me souviens encore du dossier spécial Samouraï d'Okapi avec des photos couleurs d'un film de Kurosawa.
Munin : Ah, Kurosawa, c'est aussi une de mes références. Tu te rappelles, Cédric,
notre supplément parodique sur les samurai et ninja pour Post-Mortem ? Nous y avions mis toute notre culture (superficielle, il faut bien l'avouer), du Japon. A l'origine de cela, pour moi, une permission spéciale pour regarder les 7 Samurai jusqu'au bout de la nuit, avec mon père qui somnole à côté de moi... La même semaine, j'avais aussi vu en famille le 7e Sceau de Bergman. Du coup, de manière inexplicable, les deux films sont pour moi liés l'un à l'autre...
Hugin : Moi, c'est Elephant Man vu en secret en me cachant à la mezzanine. C'est le seul film de David Lynch que je me refuse à regarder tellement j'ai eu les chocottes. Dans le même genre, j'ai vu trop jeune un film d'horreur intitulé "La Veuve noire" avec une nana qui se transforme en araignée géante. J'en ai encore des frissons rien que d'en parler.
Munin : Après avoir rattrapé mon retard, j'ai tout simplement suivi les modes éditoriales. Il fut une époque où, quand on était lecteur boulimique, on pouvait lire tout ce qui sortait en français en SFFF. Etudiant, j'ai donc énormément lu de Pocket, toutes ces sagas sans fin avec en couverture des femmes-tronc flottant au-dessus de plages de sable vert que Siudmak peignait à la chaîne. Weis et Hickman, McCaffrey, Robert Jordan, Tad Williams, etc. J'achetais alors les livres au poids, et j'ai délaissé la SF qui virait trop hard science. Je trouvais dans la Fantasy, même médiocre, un substitut aux parties de JdR dont j'étais accro. J'ai dû lire tout ce qui se faisait en Big Commercial Fantasy. Mais la diminution de mon temps de lecture et la raréfaction de mes parties de JdR m'ont progressivement amené à rechercher des ouvrages plus exigeants, mais avec davantage de contenu. Si je devais donner une date, ce serait le mois de mars 2004, quand j'ai découvert China Miéville et son Perdido Street Station. Aujourd'hui, je lis moins, et moins de fiction, donc je choisis avec soin. Pour cela, j'ai trouvé des blogs dont les goûts correspondent de très près aux miens, comme le tien et
celui de Nébal pour n'en citer que deux.
16)
Quels sont tes auteurs préférés ? Pourquoi ? Hugin : Umberto Eco, car il sait être à la fois érudit et rigolard. Je relis Le Pendule de Foucault de temps à autre et j'y trouve des choses nouvelles. China Miéville, car il a des univers aussi riches que sa plume. Perdido Street Station et
les Scarifiés sont deux bouquins que j'ai lus avec ravissemement.
The City and the City est également une construction intellectuelle de talent. Neil Gaiman, car Sandman est à la fois la plus géniale et la plus moche des BD du monde.
Munin : J'en ai déjà cité beaucoup. Mais on peut y ajouter Iain M. Banks, HP Lovecraft, PK Dick, ...
Hugin : Question suivante !
17)
Y a-t-il des livres que tu regrettes d'avoir lu (temps perdu) ? D'autres que tu aurais regretté de ne pas voir lus ? Hugin : Je ne perds plus mon temps avec les mauvais livres, je m'authorise à les abandonner si au bout de quelques chapitres la mayonnaise n'a pas prise. C'est ce que je viens de faire cette semaine avec Under Heaven de Gavriel Kay, de la platitude en brochette, au bout de 150 pages c'était intenable. Mais des fois, ils sont tellement mauvais que je m'accroche pour jouir pleinement de leur imbécilité. Et pour les livres que je n'ai pas encore lus, j'ai encore de beaux jours devant moi pour combler mes lacunes littéraires.
Munin : Je m'efforce de ne pas réfléchir au nombre d'heures que j'ai pu griller à lire de mauvais livres. Aujourd'hui, je n'ai plus de scrupules à abandonner un livre en cours de partie.
18)
Y a-t-il des auteurs dont tu lis tout (ou voudrait pouvoir tout lire) ? Hugin : Umberto Eco. Par contre, ses livres de sémiotique, je galère dessus. Mais je m'y frotte à l'occasion, par fierté mal placée. J'ai très envie de lire Simenon et San-Antonio in extenso, mais c'est un tel défi. Je suis déjà embourbé au beau milieu de l'intégrale d'Ed McBain, il serait contre-productif que je courre après deux autres lièvres littéraires aussi productifs.
Munin : Quand j'aime un auteur, je suis de très près ce qu'il écrit, donc je vais répondre brièvement pour une fois. Oui. Beaucoup. Presque tous, en fait.
19)
Vas-tu voir les auteurs sur les salons ? Ramènes-tu des interviews, des photos, des dédicaces ? Hugin : Jamais. La WorldCon 2009 se déroulait à 100 mètres de chez moi, j'ai vu passer Gaiman sous ma fenêtre, littéralement, mais je ne me sens pas à l'aise dans les salons. Je n'ai rien de très intelligent à dire aux auteurs et surtout, je ne ressens pas l'envie de recontrer fugacement ces gens. Je préfère les lire.
Munin : J'ai fait une ou deux conventions, mais je ne sais pas trop quoi dire aux auteurs. “J'aime ce que vous faites” ? J'ai un rapport avec leur livre, pas avec eux, et eux ont de leur côté un rapport personnel avec leur oeuvre. Copiner avec un auteur, c'est un peu comme de chercher à être copain avec l'ex de son conjoint, non ? Je me sens en fait plus proche des autres lecteurs d'un livre, que de l'auteur. Et puis, j'ai fait quelques salons comme exposant, et j'ai toujours trouvé ça barbant. Mais peut-être qu'un jour j'irai au salon de la SF de Sèvres, j'ai juste à me mettre en boule pour descendre la côte, c'est en-dessous de chez moi...
20)
Que penses-tu de la bit-lit ? Et de Harry Potter ? (je crois que ces deux questions étaient indispensables ;-) Hugin : Pour la bit-lit, j'en ricane souvent, mais qui suis-je pour leur jeter la première pierre ? J'ai bouffé ma ration d'Ann Rice quand c'était à la mode, j'ai lu de mauvais romans tirés du jeu Vampire : la Mascarade... C'était déjà de la bit-lit. Pour Henri le Potier, j'aurai peut-être aimer lire ces romans pendant mon adolescence. Bon, là, à 35 ans, forcément, ce n'est plus ma tasse de thé. Tant mieux si les gamins lisent, c'est tout bénef pour eux.
Munin : C'est sympa, Harry Potter. Le succès du livre est complètement disproportionné et la série ne tient pas la longueur, mais je ne vais pas cracher dessus. Quant à la bit-lit, c'est la littérature fast-food du moment. Il y en a eu d'autres avant, il y en aura d'autres après. J'ai beaucoup pratiqué le fast-food moi aussi, mais maintenant je préfère sortir dans des restaurants avec une chouette carte.
21)
Tes fournisseurs : librairies, bouquinistes, Internet ? Hugin : Je suis dans une situation particulière puisque les livres en VF au Québec coûtent vraiment les yeux de la tête (entre 150 et 200 % du prix français). Je surveille donc les bouquinistes et Internet pour ne pas trop me faire tondre la laine sur le dos. Quand j'achète en librairie, c'est de la VO. Mais il y a de moins en moins de livres dans les librairies montréalaises, ce sont devenus des lieux où l'on vend surtout des ustenciles de cuisine et des compilations de recettes.
Munin : une chouette librairie de quartier pas loin du taf pour tout ce qui est VF et Amazon pour la VO. Pour le numérique, ePagine, le KindleStore, l'iBookstore, et pour la BD numérique, izneo et comiXology.
22)
BD, comics, ou non ? Hugin : Là encore, une BD à Montréal, c'est vraiment un objet de luxe. Je n'achète donc jamais au hasard. J'achète les anthologies de Boulet car il le vaut bien, mais sorti de là, je suis très frileux. Je me rattrape avec des comics en VO ou des trucs comme Mouse Guard, mais de plus en plus rarement. Quand j'ai migré à Montréal, j'ai apporté dans mes valises (enfin, dans mes caisses en métal) toutes mes BD. En gros, tout Larcenet, Preacher, ma collec' de Calvin et Hobbes et des albums moins connus.
Munin : Énormément moins de BD qu'avant. La production médiocre et pléthorique fait qu'il est difficile de trouver des ouvrages intéressants – sauf à ne lire que ça, ou à passer son temps sur les forums et en boutique pour repérer la perle rare.
Hugin : Ce qui aussi le cas en SFFF, tu me diras.
Munin : Oui, mais dans ce domaine j'ai plus de repères, la prospection me prend moins de temps. Je suis abonné à pas mal de blogs, alors que je serais incapable de citer un site web de référence en BD. Et je sais mieux critiquer des livres que des BD. Pour un livre, je dispose de quelques outils critiques certes modestes, mais qui me permettent d'en dire un peu plus que “Lol ! J'ai adoré ! Ce livre est trop bien ! Je vous le conseille à tous !”. Pour la BD, je suis moins à l'aise. Quant à la part de comics et de manga, elle est marginale. En dehors de Walking Dead qui est un achat récent, je suis Taniguchi, Alan Moore, et ça s'arrête à peu près là. Il y a des titres que j'ai aimé dans ces genres, mais tout le monde les connaît déjà : en comics 100 Bulletts, Promethea, et Planetary, et en manga Monsters, L'Âme du Kyudo, ou XXth Century Boys. Bon, j'aurais pu citer dans les souvenirs marquants Akira, lu au lycée pendant les cours de bio quand il sortait de façon mensuelle.
Hugin : En manga, je ne suis plus à la page, mais j'avais mangé du Vagabond et du Stratège à l'époque. Akira, je n'ai jamais compris le film et le manga m'est toujours tombé des mains. Par contre, Ghost in the Shell, en manga, en film ou en BO, je suis client.
23)
Lis-tu aussi de la littérature "blanche" ? Si oui, qui aimes-tu particulièrement dans ce "genre" ? Munin : Très peu. Quand je ne lis pas de la SFFF, je lis surtout de la non-fiction, comme on dit. Je ne dois pas lire plus de 2 ou 3 romans de blanche par an. Et le dernier était un Dostoïevski. A une époque, je lisais beaucoup de romans historiques. Dans ce genre, je recommande particulièrement Azteca, de Gary Jennings, ou Le Royaume des Mécréants, d'Anthony Burgess. Par contre, je lis presque autant de "noire" que de SFFF, et mon auteur favori depuis quelques années est George Pelecanos.
Hugin : Je crois que je lis autant de littérature blanche que de genre. Un polar, un Alatriste, une biographie... Ça fait du bien de ne pas se cantonner à la SFFF. Ça rend les incursions dans l'imaginaire encore plus profondes. Et surtout, il y a des histoires passionnantes qui n'ont ni besoin d'un robot, d'une maison hantée ou d'un chevalier pour être géniales. Les monomaniaques m'ont toujours effrayé.
24)
Tentative de Weltanschauung : qu'aimes-tu comme musique ? Comme cinéma ? Quel est ton loisir favori ? Qui est ton philosophe de prédilection ? Hugin : En musique, c'est autant Dead Can Dance, Brel, Denez Prigent que Daft Punk. Et évidemment, des artistes québécois.
Munin : Principalement du reggae, de la musique latine, pas mal de jazz, et un peu de classique. Mais surtout du reggae. On ne peut pas avoir vécu étudiant à Marseille et être passé à côté de la scène locale. Ah, l'Espace Julien, le Théâtre du Moulin… J'en ai gardé beaucoup de souvenirs et d'acouphènes.
Hugin : Hey, moi aussi je peux lacher des noms, hein. J'ai vu Prodigy et Portishead au Paléo. Même à Chambéry je suis arrivé à voir Massilia Sound System en concert au milieu du Carré Curial. Je crains dégun, je vous prends tous ici, un par un.
Munin : Respect.
Hugin : Pour le cinéma, je fais aussi varier les plaisirs, mais quand je suis tout seul, je regarde souvent des films avec des chinois qui se tapent dessus ou qui marchent sur des bambous.
Munin : En cinéma, je suis éclectique mais très sélectif. Arriver à trouver le temps de voir un film est un exploit, que ce soit pour une sortie ciné ou une location en VOD. J'exclus donc d'emblée tous les machins packagés par le marketing, aux images brillantes et aux scénarios insipides. Voir des trucs comme Invasion Battle Los Angeles ou Tron me donnerait l'impression que je me suis fait racketter de mon temps de vie par des gens qui se seraient empressés d'aller le claquer au bar. J'ai déjà envie de me faire rembourser pour avoir seulement regardé les bandes-annonces ! Mais je suis quand même beaucoup plus mainstream aujourd'hui qu'à l'époque où je hantais les cinés et les vidéoclubs d'art et d'essai (A Marseille, je ne fréquentais que le Breteuil et le César) Il n'y a pas longtemps, j'ai profité d'un voyage en train pour regarder Scott Pilgrim. C'était pas terrible, d'ailleurs.
Hugin : J'ai eu moi aussi ma période intello où j'avais intégré une association universitaire de ciné où l'on crachait sur tous les films qui n'étaient pas moldaves et situationnistes. Heureusement, je suis moins obtus maintenant, je suis capable de savourer un film avec Lucchini mais toujours pas les films potaches façon "Pinapple Express"
Hugin : Mon loisir favori est le jeu de rôles. En ce moment, je maîtrise une campagne de Qin avec des vrais morceaux de combat chorégraphié dedans.
Munin : Je ne joue quasi-plus aux JdR, mais je fais des jeux de société avec mes enfants. C'est à la fois un plaisir, un moyen d'éducation, et un moment d'échange avec eux. On emprunte de nouveaux jeux à la ludothèque du coin toutes les trois semaines.
Hugin : Pour le philosophe, j'avoue que je ne surveille pas le mercato, mais Michel Onfray a su mettre des mots sur mon athéisme et j'aime comme il attaque les freudiens de manière frontale.
Munin : Francis Blanche. Point barre.
Hugin : Ah, si monsieur sort les grands auteurs...
25)
As-tu un Reader ? Hugin : Oui, un Sony Reader. Je lis dessus la fantasy commerciale que je me refuse d'acheter en papier. Mon iPad est en cours de fabrication en Chine.
Munin : Pas un reader à proprement parler, mais une tablette et un smartphone. Je suis loin d'être sous-équipé en électronique, oui...
26)
As-tu déjà lu en numérique, même sur moniteur ? Hugin : Oui, j'ai même lu sur une tablette et c'est très agréable.
Munin : Avant, je croyais que lire sur écran tactile était à peu de chose près comme de lire sur un écran d'ordinateur, et je snobais le livre numérique. Aujourd'hui, je lis beaucoup sur iPhone (dans les trajets) et sur iPad (chez moi). La synchro des signets dans iBooks me permet de passer d'un appareil à l'autre sans problème.
27)
Quel est ton rapport à la lecture numérique ? Penses-tu lire plus sous cette forme dans un proche avenir ? Hugin : J'ai adoré lire sur tablette et je pense que ça va naturellement prendre un place de plus en plus grande dans nos vies. Ça cohabite très bien avec le papier, pour moi ce n'est pas un média exclusif. Pour le moment, mon seul frein est le prix des bouquins numériques. Ce n'est pas en baissant les prix de 2 euros par rapport au livre papier que ça peut fonctionner.
Munin : Je n'ai aucun rapport fétichiste avec le papier. La lecture numérique est une expérience aussi physique que la lecture papier. Le rapport avec la tablette est très sensuel, le contact plus léger qu'avec un livre. Cela procure un plaisir différent. Il faut alterner les deux. Ce serait sinon comme de dire que parce qu'on aime le cinéma, on peut arrêter d'aller au théâtre. J'aimerais pouvoir acheter à la fois livre physique et fichier numérique, pour pouvoir passer d'un support à l'autre au gré de l'humeur.
Hugin : Je viens de déménager. Je constaste deux trucs :
- les livres papier, c'est lourd;
- je n'ai toujours pas défait les cartons qui contiennent mes CD musicaux car j'ai tout en mp3 sur l'ordi.
Donc acte.
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Quel est ton rapport à Internet ? Connecté depuis longtemps ? Hugin : J'avais un modem 56k à l'époque de la fac. Chat, forum, ICQ, newsgroup, liste de diffusion... Je suis passé par toute la panoplie. J'ai été rétif devant les médias sociaux, je l'avoue, mais j'ai maintenant un
compte Twitter et pourtant je sais encore écrire des phrases de plus de 140 caractères.
Munin : J'ai découvert le web en 1998, lors d'un séjour à l'étranger. Ma première activité sur le net a été de rejoindre des groupes de discussion de SFFF sur eGroups, sous le pseudo de Sévérian… J'ai ensuite fait partie, avec Cédric, de l'équipe d'administration d'un mammouth du web du JdR, et je suis pas passé loin du burn-out. Aujourd'hui, je suis ultra-connecté mais j'ai réduit de beaucoup ma dépendance au web. Malgré deux blogs et une présence sur tous les réseaux sociaux passés, présents et à venir (ou presque), je passe fréquemment par de longues phases sans accès au web, et je ne fais plus du tout de veille sur ce qui va sortir dans les prochains mois en livre/bd/film ou quoi que ce soit d'autre. Fini pour moi, les soirées passées devant un écran d'ordinateur à zapper du webmail à une console d'admin tout en matant les plannings de parution et les dernières bandes-annonces qui claquent de ce qui sera en définitive des navets vite oubliés.
Hugin : Bon, quand on demande "Il est où papa ?" à ma fille, elle regarde tout de suite l'ordinateur, je le confesse.
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As-tu un lien avec le monde de l'édition ? Ou du livre plus généralement ? Hugin : Les Moutons électriques éditeront en septembre 2011 mon premier roman qui s'intitule Wastburg. C'est de la fantasy crépusculaire.
Munin : Et tu as bossé comme relecteur, aussi.
Hugin : Oui, j'ai glissé des fotes dans les traductions des romans Warhammer 40'000 pendant quelques mois. Je maîtrise très bien le champ lexical militaire et toutes les subtilités du bolster lourd.
Munin : Sans y être directement lié, c'est un milieu que je connais un petit peu. Mon tout premier job a été au service marketing d'une maison d'édition qui faisait du scolaire et du livre jeunesse. J'ai été publié, avec et sans Cédric - et comme Cédric - pour de petits travaux de JdR par plusieurs micro-éditeurs. Enfin, j'ai bossé un an pour Gallimard, à faire la recherche et la sélection des couvs de certains titres de Folio SF. Cela a valu à la collection quelques-unes de ses couvs les plus moches.
30)
Une dernière chose à dire au lectorat en délire ? Hugin : Éclectisme.
Munin : Sérendipité.
Hugin : Hein ? Tu veux dire Salma Hayek dans Dogma ?
Munin : Tu peux pas me laisser une fois au moins le dernier mot ?
Hugin : OK, vas-y.
Munin : Merci. Voilà : concision.
Merci de votre attention. Et n'oubliez pas ! Duck ! And cover !
Commentaires
Ce dialogue était très sympathique à suivre.
Le pire que j'ai fait, c'est de corriger quelque chose de juste. Dans une scène où plusieurs chasseurs suivaient une piste, la traductrice avait écrit "Le chasseur de tête avançait silencieusement". J'ai tout de suite dégainé et changé le passage en "Le chasseur de têtes avançait silencieusement" car je sais que c'est la bonne orthographe. Maître Capello pouvait être fier de moi, j'avais le verbe juste et intraitable. Manque de bol, on ne parlait pas de chasseur de têtes dans le sens primitif mais bien du chasseur qui était en tête du groupe. J'ai encore honte.
Corriger un roman, c'est chiant. On lit le livre une fois pour comprendre l'histoire (dans le cas de Warhammer 40,000, ce n'est pas la partie la plus complexe de l'opération) puis on relit le texte plusieurs fois en faisant attention à un milliard de détails différents. Le traducteur a-t-il traduit le nom du vaisseau spatial ou bien laissé en VO ? A-t-il respecté le glossaire ? A-t-il fait gaffe au fait que dans les premiers volumes de la série, tel truc a été traduit de telle manière ? Dans les moments de fatigue, a-t-il laissé passer quelques faux amis (du genre cry/crier, un classique indémodable) ?... Les questions à se poser n'ont pas de fin. Quand au final on passe le texte dans un correcteur orthographique pour faire un dernier tour de piste, on a la surprise de trouver encore des tonnes de lettres manquantes ou d'étourderies sur lesquelles notre cerveau glisse sans s'arrêter tant il est programmé pour reconnaitre un mot uniquement en se basant sur les consonnes.
Ce n'est pas uniquement une question de correction orthographique sans fin sur "au temps pour moi" et "sens dessus dessous", c'est un travail de dingue. Le traducteur a beau faire attention, tu te rends compte que les noms des personnages changent au fil du texte, qu'il a oublié une phrase dans un coin ou qu'il ne connait pas vraiment l'univers de référence. Le tout avec parfois des délais très serrés.
La pire situation, ce sont les livres de jeu de rôles sur lesquels travaillent plusieurs traducteurs. Il faut alors unifier les traductions parce que l'un a traduit tel nom de la sorte, mais le second d'une autre. Horrible. Et en plus, il faut connaître le système de jeu pour savoir si ce que disent les règles traduites est valide.
Alors, oui, quand on tombe sur un texte bourré de fautes, on rouspète. On a envie de lapider le traducteur avec des figues molles. Mais peut-on réellement demander à un éditeur de sortir 2 ou 3 traductions par mois pour étancher sa soif de lecture et espérer que tout va pouvoir se faire sans faute ? Je ne le crois pas. Ça prend du pognon et de la patience. Or on ne veut pas payer notre bouquin trop cher et que le bouquin soit disponible en VF une semaine après sa sortie en VO.
Bosser comme relecteur m'a appris un truc : j’écris bien mieux que je ne corrige.
Cette interview est bourrée de références dont je n'ai jamais entendu parler. Des décennies de retard de lecture à rattraper, selon toute vraisemblance...
C'est pas gentil, ça les corbeaux. Vous pourriez avoir pitié, tout de même !! :-P
(ps à Gromovar ça valait la peine d'attendre)
Cédric, ta réponse sur les relectures mériterait d'être dans un billet de blog - à côté du récit de mon expérience d'iconographe.
Blop(romptu) : après réflexion, Petit Ours Brun relève du merveilleux. Mais Blanche-Neige et Cendrillon(d'ici quelques années), c'est clairement de la Fantasy !
Beaucoup de plaisir à la lecture de cet interview...Très sympathiques personnages :)
Dis, Hu, c'est quoi de la fantasy crépusculaire ? :D
"Copiner avec un auteur, c'est un peu comme de chercher à être copain avec l'ex de son conjoint" et "Le rapport avec la tablette est très sensuel". Plein de références aussi, j'ai pris quelques notes pour plus tard. Merci à vous trois!
Pourquoi crépusculaire ? Par affiliation avec le western du même nom. Plutôt qu'un héroïsme très tranché, avec des bons facilement identifiables et des salauds qui perdront avant le générique de fin, je raconte des histoires avec des personnages moralement gris. Des gens coincés dans un monde qui les dépasse. Il n'y a pratiquement pas de personnages féminins, et les rares qui apparaissent n'ont aucune épaisseur, aucun rôle majeur. Il se dégage comme un constat d'échec dans l'ambiance générale. Ce n'est pas la fin du monde, mais la fin d'un monde. Une impasse de laquelle il s'agit de sortir sous peine de disparaitre.