The Butcher of the Forest - Premee Mohamed

Il y a des années de ça, quelqu'un disait dans une interview : « Les Blancs nous emmerdent avec leurs problèmes » . C'était Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino – je ne sais plus lequel – et il parlait, si mes souvenirs sont bons, des clips de Talking Heads ou de Laurie Anderson. Tu vois, lecteur, que je source avec grande qualité cette brève chronique. Que celle de ces deux personnes qui s'est vraiment exprimé sache que, dorénavant, c’est à peu près tout le monde qui nous emmerde avec ses problèmes. Démarrer ainsi la chronique de The Butcher of the Forest , novella fantastique de Premee Mohamed, te permet de subodorer, sagace lecteur, que je ne l'ai pas vraiment appréciée. Détaillons un peu plus. Temps et lieu indéterminé. Espace-temps des contes. Veris est une femme d'une quarantaine d'années qui vit dans un petit village, au cœur d'une région conquise par un tyran (oui, c'est son seul nom dans le texte) après une guerre et des massacres innommabl...

Food for brains


Daniel W. Drezner est prof de Relations internationales à l'Université de Tuft ; il tient aussi un blog passionnant. Il a fort justement remarqué qu'en dépit du grand nombre de publications récentes traitant du problème Zombie, rien n'avait été fait concernant l'effet du phénomène sur les relations internationales. Il a donc écrit "Theories of International Politics and Zombies".
Ce qui m'a fasciné dans ce petit ouvrage d'une centaine de pages, c'est le sérieux avec lequel Drezner traite son sujet. Comme dans tout travail universitaire, il enchaine état de la question, revue de la littérature, définition et bornage de l'objet, avant de commencer à développer son point. Comme les auteurs de l'excellente modélisation épidémiologique WHEN ZOMBIES ATTACK!: MATHEMATICAL, MODELLING OF AN OUTBREAK OF ZOMBIE INFECTION , Drezner sacrifie à toutes les règles de la science. Il fait néanmoins mieux que les statisticiens d'Ottawa en incluant 204 notes dans son texte et presque autant de références bibliographiques, partagées entre travaux sur les zombies et études générales sur les relations internationales, et en citant quantité d'auteurs classiques, allant jusqu'à réécrire un extrait du "Traité des sentiments moraux" d'Adam Smith. Enfin, il tente d'envisager des mises à l'épreuve de ses conclusions, et plaide pour des recherches additionnelles autant qu'il souhaite une mise en oeuvre de ses conclusions.
To make a long story short (tant il est plus nécessaire de lire ce livre que ma chronique), et en se fondant essentiellement sur les films de Romero et le roman World War Z comme idéaux-type au sens wébérien du terme, Drezner confronte les hypothèses d'invasion zombie aux grandes approches des relations internationales, et même à quelques approches plus locales :

Les réalistes verront l'invasion comme une source de modification des équilibre de pouvoir, et pourront éventuellement (aux deux sens du terme) intégrer des nations zombies dans leur carte du monde, nations avec lesquelles les équilibres de pouvoir devront être réalisés comme avec des nations plus classiques. Le chacun pour soi et l'opportunisme devraient être la règle, tant la mesure des rapports de force et la ratio ressources/effets seront des facteurs clés.

Les libéraux (sens américain) plaideront pour une gestion internationale de la crise, la création d'agences multilatérales (notamment une WZO) ou au moins régionales, tenteront de lutter contre les tentations de free riding, et voudront donc traiter le problème comme la gestion multilatérale d'une externalité négative en tentant d'éviter la tragédie des biens communs, analysée par la prix Nobel Elinor Olstrom.

Pour les néocons, les zombies font partie d'un Axe du mal dans lequel ils risquent de tenter d'inclure d'autres groupes, ce qui limitera leur pouvoir d'alliance et de coopération internationale. L'action solitaire et préventive sera de toute façon préférée.

Les constructivistes chercheront à dévoiler les mécanismes de la construction sociale de la question zombie et à montrer ce qu'elle a d'humanocentrée. Ils suggèreront de détruire toutes les oeuvres montrant l'apocalypse zombie afin d'annihiler les sources de la peur et de la stigmatisation, puis de tenter de socialiser les zombies pour les intégrer (tache envisageable tant ces derniers ne sont finalement guère différents de l'étudiant moyen).

Les zombies devraient aussi avoir de l'effet sur la politique domestique, en stressant le rôle de l'exécutif dans un premier temps, avant que les contre-pouvoirs, notamment législatifs, ne reviennent dans le jeu. Il est possible aussi que des industriels cherchent à obtenir de juteux contrats, initiant ainsi un complexe zombifico-industriel.

Les systèmes bureaucratiques devraient être confrontés à de grandes difficultés tant les zombies sont hors de leurs routines, et tant la coordination entre les différentes agences concernées serait difficile. Il est possible qu'elles parviennent à s'adapter sur le long terme, s'il y en a un.

La psychologie enfin nous explique différents biais qui joueront dans le traitement du problème zombie, notamment en ce qui concerne les formes d'aversion au risque. Il faudra alors redéfinir la réalité, s'adapter techniquement, tenter de mener une action cognitive sur les zombies pour les détourner de l'envie de manger des cerveaux.

Drezner conclut sur une note optimiste. Il pense que la destruction de l'humanité par les zombies n'est pas le scénario le plus probable. Si les hommes survivent au premier assaut, les zombies deviendront un problème global, à gérer comme on en gère d'autres, avec des moyens à définir. Je ne résiste pas à l'envie de citer une phrase tellement raisonnable : "Les outils traditionnels à la disposition des gouvernements tels que la dissuasion nucléaire, les sanctions économiques, ou les démarches diplomatiques seront de peu d'effet contre les morts-vivants."

Theories of International Politics and Zombies, Daniel W. Drezner

Commentaires

Acr0 a dit…
Mais ! Tu nous racontes un peu trop le livre là ! (ou alors il y a encore plein de choses à découvrir ?)
J'ose espérer qu'il soit publié un jour en français :/ (impossible pour moi de lire en anglais)
Gromovar a dit…
C'est plus la démonstration que les conclusions qui sont amusantes.
Si j'étais moins flemmard, ça m'amuserait de le traduire.
Cédric Ferrand a dit…
Merci pour cette découverte. Je suis quand même surpris du temps et de l'intelligence mis en oeuvre pour rire sur les zombies. Comme un long poisson d'avril élaboré.
Gromovar a dit…
Tu riras moins quand il seront là, homme de peu de foi.
Guillaume44 a dit…
Intéressante pioche, merci pour la chronique.
Efelle a dit…
Je ne me taperai pas ce bouquin n'étant pas un inconditionnel du genre mais j'ai bien aimé ta chronique. Elle est amusante.
Guillaume44 a dit…
Oui en effet, la chronique sert très bien le livre, on a vraiment l'impression d'y retrouver le fond comme la forme sans avoir lu le bouquin, chouette :)
Maëlig a dit…
Huhu, ça a l'air sympa comme bouquin. Ayant étudié les théories des relations internationales il y a quelques années, je trouve l'approche très amusante. Il manque les courants marxistes ceci dit, non?
Gromovar a dit…
Les courants quoi ? ;-)