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Le monde aveugle" est un roman post-apo publié en 1961 par Daniel Galouye. Une guerre nucléaire a eu lieu. Avant. On ne sait pas exactement quand. Des générations.
Les rares survivants, plongés dans la nuit éternelle des grottes, ont développé une ouïe et un odorat surhumains et "voient" grace à l'écho des ondes sonores, comme des dauphins. Il croient à la Lumière, qui est Dieu et qu'ils retrouveront un jour ; mais ils ignorent ce qu'elle est. Un jour (pardon, un cycle), des "monstres" attaquent la micro société souterraine. Qu'adviendra-t-il ?
Décidément je n'ai guère de chance avec les
post-apo souterrains. "
Le monde aveugle" a une qualité centrale qui devient rapidement un défaut. Le monde noir dans lequel vivent les survivants est original et permet à l'auteur d'imaginer divers systèmes permettant de "voir" par le son, comme les pierres à écho ou les projecteurs sonores. Il lui permet aussi de remplacer tous les mots qui évoquent la vue par des mots ou des néologismes liés à l'ouïe. Ce procédé m'a amusé trois pages environ. Il n'y a aucune figure de style que je trouve plus paresseuse intellectuellement que la métaphore filée. Et ce travail sur la description du son m'a fait un peu penser à ces films dans lesquels le plus important c'est l'effet spécial. Il y a aussi une réflexion pas inintéressante sur la religion et les mythes, mais elle reste trop superficielle pour apporter vraiment quelque chose de neuf, et elle permet encore à Galouye de céder à son mauvais penchant en créant les démons "Strontium", "Hydrogène", et "Cobalt".
Pour le reste, la société lo-tek des survivants avec grottes, torrents, gouffres, rochers, et l'histoire qui est une longue errance dans le monde souterrain, m'ont régulièrement donné l'impression d'être dans une novelisation de Rahan. Le jeune homme surdoué qui devient chef puis amoureux transi puis héros m'a semblé bien convenu. L'histoire d'amour à la "
elle m'aime, non si, non ,si, non, en fait si" était complètement superflue en plus d'être globalement mièvre. La touche fantastique avec la télépathe et l'homme immortel m'a donné envie de partir à la recherche de Galouye pour le même "seek and destroy" qui m'avait mis aux trousses de
Glukhovski. Le mécanisme évolutif qui permet aux survivants, en quelques générations seulement, de développer une ouïe de chauve-souris et un odorat de chien truffier est scientifiquement invraisemblable. Le happy end, peut-être indispensable au lecteur dans un monde qui craignait l'hiver nucléaire, est aussi d'une puérilité extrême avec les gentils sauveurs qui arrivent, parlent la même langue (alors que tout a été oublié), et arrangent tout (on retrouve même tous les disparus vivants, joyeux et en bonne santé).
J'aurais sûrement adoré ce livre quand j'avais 12 ans mais ce temps est passé, et aujourd'hui ce genre de littérature me navre. Heureusement c'était court.
Le monde aveugle, Daniel GalouyeL'avis du
Traqueur StellaireLu dans le cadre du Challenge Fins du monde de Tigger Lilly
Commentaires
Pour leurs mutations ce n'est pas plus choquant que d'autres, les ziveurs ont juste un spectre du visible élargi dans l'infra-rouge et on a droit aux inévitables pouvoirs psy (comme d'hab). Il explique toutes ces évolutions par l'effet mutagène de la radiation et glisse que beaucoup de mutants sont rejetés pour leurs différences phénotypiques sans que l'on sache vraiment quelle mutation ils avaient développé.
Le cas le plus lamarckien serait peut-être dans l'audition des Survivants. J'y ai pensé un moment mais j'ai rejeté l'idée à cause de plusieurs détails : les perceptions auditives des survivants ont l'air plutôt liées à une très forte maitrise des sens auditives. Gayoule suggère des écholocations mais il se contredit lui-même dans ses descriptions. Il semble plutôt confondre le terme avec de simples échos (erreur de traducteur ?), comme lorsqu'on lance un caillou dans un puits pour connaître sa profondeur. Il se trahit pas mal sur la fin en faisant allusion à des règles de vie des Survivants qui montrent clairement qu'ils n'ont pas développé d'écho-location au sens biologique.
On n'est donc pas vraiment face à la Girafe qui allongea son cou par nécessité mais plutôt dans le cas du survivant devenu "ziveur" car détenteur par un heureux hasard d'une mutation non silencieuse et pratique (et ayant pu la transmettre à sa descendance par le même hasard. D'ailleurs l'allèle semble dominant).
@Isidore : Cher Monsieur Ducasse, Loin de moi l'idée de noyer Galouye avec l'eau du bain. Il est peut-être symptomatique d'une époque plus simple et insouciante que le notre, mais je suis trop dans l'intranquillité de la mienne pour adhérer à son projet.
@ Tous : Je viens de lire une critique de "Lysistrata 80" sur le site d'ActuSf et je suis bien tenté par ce roman. Affaire à suivre.