En 1927, Lovecraft rédigeait “
La quête onirique de Kadath l’inconnue”. Dans cette longue novella jamais publiée de son vivant, il narrait les aventures du rêveur Randolph Carter à la recherche de la cité mythique. Traversant les Contrées du rêve, Carter vécut maintes péripéties, dangereuses et merveilleuses, avant de finir par l’atteindre. Prétexte à une visite détaillée des territoires oniriques, la quête de Kadath nous en apprend finalement assez peu sur la cité mythique où les dieux vivent dans le Chateau d’Onyx. Des rumeurs, quelques coups d’oeil, quelques lieux, c’est tout ; à la fin de la novella, Kadath est toujours largement cachée aux yeux du lecteur. Par chance, l’être mystérieux connu seulement comme l’Innomé a compilé récits, faits, lore, sur la cité des dieux. Il en a tiré un guide qui est aujourd’hui à la disposition des aspirants rêveurs.
“
Le guide de la cité inconnue” est un beau livre. Sous une couverture glacée présentant une vue aérienne de la ville surplombée (écrasée ?) par le Chateau d’Onyx, se dissimulent les nombreux feuillets du guide. Non-euclidien, cet ouvrage peut être lu de deux manières. Il est possible de lire les récits entremélés des quatre visiteurs de la ville, come un patchwork d’impressions, ou de lire chaque récit indépendamment, comme une succession de nouvelles ; le choix est laissé au lecteur.
J'ai choisi de suivre la voie indiquée par l'Innomé et de m'approcher du centre de Kadath à la suite simultanée des quatre rêveurs. Ces rêveurs, ces guides du lecteur effaré par tant d'étrangeté, qui sont-ils ? Tout d'abord l'Innomé, archiviste chargé de la rédaction du guide, qui s'enfonce de plus en plus profondément dans le rêve jusqu'à perdre son assise dans la réalité. Vient ensuite Soeur Aliénor, la Mère Eternelle, La Toujours Féconde, prise par un dieu et qui portera un enfant divin pendant des siècles dans son ventre. Abd Al Azrad, le Saigneur, est le troisième rêveur. Compagnon du Kitab vivant, il arrive en Kadath aux prix d'énormes efforts en y apportant le chaos. Enfin, HP Lovecraft lui-même, visitant en personne la cité qu'il a créé et s'y rencontrant dans un effet de ruban de Moebius tout à fait réussi. Il ne faut évidemment pas oublier Auguste Philistin, peintre et voyageur de passage dans la ville, qui pare le guide de nombreuses et magnifiques illustrations, tentant de faire appréhender au lecteur la complexité merveilleuse de Kadath.
Etant du nombre de ceux qui ont rêvé très fort à la lecture des aventures de Randolph Carter, j'ai retrouvé dans "
Le guide de la cité inconnue" le merveilleux, l'étrangeté absolue de l'oeuvre onirique de Lovecraft. Le guide m'a ramené des années en arrière quand j'arpentais les Contrées du rêve en compagnie de Randolph Carter. Le plateau de Leng, les bateaux volants, les bêtes de Lune, les Shantaks, les Maigres Bêtes de la Nuit, le mont Ngranek (surtout le mont Ngranek, peut-être la plus belle invention d'HPL), Inquanok, Kuranes, etc... Tout m'est revenu. Je me suis senti...bien. Comme rentré chez moi.
Puis, grâce à l'Innomé, j'ai visité Kadath ; Carter ne m'y avait pas convié. Grâce à Soeur Aliénor, à Al Azrad, à HPL, j'ai parcouru ses diverses éminences, ses lieux emblématiques, ses tavernes et ses temples ; j'ai rencontré certains de ses habitants, parcouru carrières et souterrains, arpenté son port, cotoyé les hiérophantes. J'ai vu Kadath. Et Kadath seule est plus belle, mystérieuse, et étrange que toutes la contrée environnante. Kadath est une ville pour laquelle il est raisonnable de mourir, plusieurs fois, comme le fait Al Azrad.
Les éminences des rêveurs encadrent la ville. Le Chateau d'Onyx lui sert d'axe. Les temples sont innombrables. Des dieux amnésiques peuplent la ville, oublieux de leur puissance. Tout ce qui existe dans l'univers arrive à Kadath, dons aux dieux, distribués à la ville. Eternellement changeante, éthérée et incertaine, la cité est modelée par les rêves. Elle est superbe et terrifiante, comme le sont les rêves.
Je ne regrette pas mon voyage, et j'attends avec impatience de pouvoir rejoindre les autres rêveurs, et de "créer" ma propre éminence pour m'y installer. J'invite aussi tous les rêveurs de la Terre à m'y rejoindre le plus rapidement possible.
Le guide de la cité inconnue, Kadath, Nicolas Fructus, Raphaël Granier de Cassagnac, Mélanie Fazi, Laurent Poujois, David Camus
Commentaires
Voila quelques indispensables pour faire un tour de l'oeuvre du maitre de Providence.
Concernant Kadath il est vrai que, comme il le dit, le texte sur HPL, écrit par le traducteur en question, est le plus plat stylistiquement. Donc j'ai plutôt tendance à lui faire confiance pour la nouvelle trad aussi.
L'Innomé.
PS : pour ceux qui n'ont pas le budget, j'espère que Noël vous aidera.
PPS : la retraduction est sans commune mesure avec la précédente (dans les Bouquins, vous aurez remarqué que les compilateurs regrettent de ne pas avoir eu le droit de re-traduire, à l'époque).