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Masked" est le dernière anthologie de Lou Anders, et elle est entièrement consacrée aux super-héros. Composée de quinze nouvelles de longueurs différentes (jusqu’à la novella), elle brosse un panorama de mythe super-héroïques contemporains, loin de l’unidimensionnalité des personnages des premières années du genre. Parmi ces super-humains, certains choisissent la voie, toujours coûteuse, de l’héroïsme, quand d’autres préfèrent utiliser leur supériorité dans des poursuites moralement et légalement condamnables. Pour aucun le choix n’est simple ou gratuit.
Dans la ligne initiée par le
Watchmen d’Allan Moore et Dave Gibbons, "
Masked" offre des histoires d’individus avec leur force, leur faiblesse, leur part d’ombre et de lumière. Les super-héros de cette anthologie sont des personnes humaines (du moins presque tous) qui ont une épaisseur, une histoire, des dilemmes, et leur part d’humanité en fait des freaks qui doivent faire au mieux avec leur différence dans un monde dont leur nature même les extrait. De ce fait, ces récits sont lisibles par toute personne intéressée par des histoires d’hommes, et pas uniquement par des lecteurs assidus de comics.
Qu’y a-t-il de bon dans cette longue anthologie ? Dans l’ordre d’apparition :
Matthew Sturges, Cleansed and Set in Gold, où l’on voit que l’héroïsme a un prix, le sacrifice, et que c’est un prix que l’on peut payer de quantité de manières différentes, jusqu’au dégoût de soi. Une belle histoire.
L’auteur de Jack of Fables livre ici une superbe production.
James Maxey, Where their worm dieth not, la veille super-héroïque comme mythe de Sisyphe. Désespérément sans fin.
Paul Cornell, Secret Identity, une histoire plutôt amusante dans laquelle le concept d’identité secrète est poussé à son extrême limite.
Mike Carey, The Non-Event, où l’on voit comment un grain de sable peut enrayer une belle mécanique, et comment l’apparition des super-pouvoirs dans le monde a causé plus de dégâts qu’elle n’a résolu de problèmes.
Daryl Gregory, Message from the bubblegum factory, où l’on se demande si un monde sans super-pouvoir serait une meilleure chose, et où certains pensent qu’il faudrait renvoyer les capés dans leur dimension d’origine afin qu’ils y emportent le chaos avec eux.
Gail Simone, Thug, superbe histoire écrite sur le ton de
l’Algernon de Daniel Keyes, dans laquelle un idiot surpuissant tente de bien faire, fait le mal, puis découvre la trahison. Et maintenant je me demande si
Sabretooth ne serait pas qu’un demeuré colossalement fort.
Stephen Baxter, Vacuum Lad, des manipulations génétiques dans un futur proche, sur une Terre en voie de dévastation écologique, conduisent à l’apparition d’une race de héros qui seront peut-être les premiers
extros quand ils cesseront de faire les pitres.
Joseph Malozzi, Downfall, enquête hard-boiled dans le monde des capés. Une novella riche et développée sur le temps et le rapport au passé, doublée d’une bonne histoire policière.
Ian McDonald, Tonight we fly, super-héros, vieillesse, retraite. Que deviennent-ils? Un beau récit nostalgique qui aurait pu être écrit par Clint Eastwood.
Bill Willingham, A to Z in the Ultimate Big Company Superhero Universe (and Villains Too), une longue et délicieuse histoire de super-héros à l’ancienne, remplie de références aux comics et à la mythologie. Les capés comme mythe moderne, Gaiman l’avait déjà fait dans
American Gods, mais l’auteur du comics
Fables apporte une vision dynamique, pleine de cris, de fureur, et de passion, de cette théorie.
Le reste (cinq nouvelles seulement) est dispensable, car inutilement complexe ou bien trop prosaïque.
Au final donc, une lecture plaisante pour tous et un must-have pour les lecteurs de comics. On remarquera que deux des meilleures nouvelles ont été écrites par les auteurs de Fables et de son spin-off. Bon sang ne saurait mentir.
Masked, Anthologie
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