Eric LaRocca - As-tu mérité tes yeux ?

Agnes Petrella est une jeune américaine un peu dans la dèche. Elle est lesbienne aussi, ce qui ne change pas grand chose à l'histoire au début alors que « dans la dèche » en est le point de départ. En ce 26 mai 2000, Agnes, qui a besoin de 250$ pour payer son loyer du mois, poste sur un forum queer une annonce pour mettre en vente un épluche-pomme vieux de plus d'un siècle. Contrairement à ce qui se pratique habituellement, elle a composé pour ce faire un message de presque quatre pages dans lequel elle explique avec force détails à quel point cet épluche-pomme est un élément important de son histoire familiale et donc à quel point aussi il lui est pénible de s'en séparer. Nécessité faisant loi elle s'y est finalement décidée mais, dit-elle, elle ne consentira à vendre l'objet qu'à un collectionneur sérieux (!). Deux jours plus tard, après quelques réponses insultantes, Agnes en reçoit une intéressante d'une certaine Zoe Cross qui dit être intéressée et prêt...

Who watches the Watchmen ?


"Masked" est le dernière anthologie de Lou Anders, et elle est entièrement consacrée aux super-héros. Composée de quinze nouvelles de longueurs différentes (jusqu’à la novella), elle brosse un panorama de mythe super-héroïques contemporains, loin de l’unidimensionnalité des personnages des premières années du genre. Parmi ces super-humains, certains choisissent la voie, toujours coûteuse, de l’héroïsme, quand d’autres préfèrent utiliser leur supériorité dans des poursuites moralement et légalement condamnables. Pour aucun le choix n’est simple ou gratuit.
Dans la ligne initiée par le Watchmen d’Allan Moore et Dave Gibbons, "Masked" offre des histoires d’individus avec leur force, leur faiblesse, leur part d’ombre et de lumière. Les super-héros de cette anthologie sont des personnes humaines (du moins presque tous) qui ont une épaisseur, une histoire, des dilemmes, et leur part d’humanité en fait des freaks qui doivent faire au mieux avec leur différence dans un monde dont leur nature même les extrait. De ce fait, ces récits sont lisibles par toute personne intéressée par des histoires d’hommes, et pas uniquement par des lecteurs assidus de comics.

Qu’y a-t-il de bon dans cette longue anthologie ? Dans l’ordre d’apparition :

Matthew Sturges, Cleansed and Set in Gold, où l’on voit que l’héroïsme a un prix, le sacrifice, et que c’est un prix que l’on peut payer de quantité de manières différentes, jusqu’au dégoût de soi. Une belle histoire. L’auteur de Jack of Fables livre ici une superbe production.

James Maxey, Where their worm dieth not, la veille super-héroïque comme mythe de Sisyphe. Désespérément sans fin.

Paul Cornell, Secret Identity, une histoire plutôt amusante dans laquelle le concept d’identité secrète est poussé à son extrême limite.

Mike Carey, The Non-Event, où l’on voit comment un grain de sable peut enrayer une belle mécanique, et comment l’apparition des super-pouvoirs dans le monde a causé plus de dégâts qu’elle n’a résolu de problèmes.

Daryl Gregory, Message from the bubblegum factory, où l’on se demande si un monde sans super-pouvoir serait une meilleure chose, et où certains pensent qu’il faudrait renvoyer les capés dans leur dimension d’origine afin qu’ils y emportent le chaos avec eux.

Gail Simone, Thug, superbe histoire écrite sur le ton de l’Algernon de Daniel Keyes, dans laquelle un idiot surpuissant tente de bien faire, fait le mal, puis découvre la trahison. Et maintenant je me demande si Sabretooth ne serait pas qu’un demeuré colossalement fort.

Stephen Baxter, Vacuum Lad, des manipulations génétiques dans un futur proche, sur une Terre en voie de dévastation écologique, conduisent à l’apparition d’une race de héros qui seront peut-être les premiers extros quand ils cesseront de faire les pitres.

Joseph Malozzi, Downfall, enquête hard-boiled dans le monde des capés. Une novella riche et développée sur le temps et le rapport au passé, doublée d’une bonne histoire policière.

Ian McDonald, Tonight we fly, super-héros, vieillesse, retraite. Que deviennent-ils? Un beau récit nostalgique qui aurait pu être écrit par Clint Eastwood.

Bill Willingham, A to Z in the Ultimate Big Company Superhero Universe (and Villains Too), une longue et délicieuse histoire de super-héros à l’ancienne, remplie de références aux comics et à la mythologie. Les capés comme mythe moderne, Gaiman l’avait déjà fait dans American Gods, mais l’auteur du comics Fables apporte une vision dynamique, pleine de cris, de fureur, et de passion, de cette théorie.

Le reste (cinq nouvelles seulement) est dispensable, car inutilement complexe ou bien trop prosaïque.

Au final donc, une lecture plaisante pour tous et un must-have pour les lecteurs de comics. On remarquera que deux des meilleures nouvelles ont été écrites par les auteurs de Fables et de son spin-off. Bon sang ne saurait mentir.

Masked, Anthologie

Commentaires

Cedric Jeanneret a dit…
moi qui avait vaillamment résisté à ma compulsion d'achat....
Gromovar a dit…
Je suis le Mââââl !
Efelle a dit…
Tentant mais je n'ai plus de sous.... et encore moins de places
Gromovar a dit…
Il te faut un reader. Après, plus de problème de place. C'est comme ça que j'ai vendu l'idée :-)
Munin a dit…
Je résiste je résiste je résiste je ne me laisse pas avoir par la référence à Fables je résiste je ne lis pas le nom des auteurs je résiste je résiste je n'achèterai pas je résiste je résiste je résiste même pas en ebook je résiste je résiste
Gromovar a dit…
Malheureux ! Si tu résistes tu le paiera de ta vie.
Juste c'est en vo ou en vf? Et ca se trouve en librairie?
Gromovar a dit…
Seulement vo pour l'instant (et imho pour un bon moment). Dispo sur Amazon ou en numérique pour le Kindle. S'il t'intéresse il est facile de se le procurer.