Yal Ayerdhal in Bifrost 118 - La fin de la guerre éternelle

Dans le Bifrost 118 il y a les rubriques habituelles. Critiques des nouveautés, scientifiction and so on. Il y a aussi un édito d'Olivier Girard qui rend un hommage appuyé et émouvant à Yal Ayerdhal , un grand de la SF française qui nous a quitté il y a dix ans et dont je me souviens de le gentillesse et de la capacité d'attention à tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, appartenait à ce milieu qui était le sien et qui est le nôtre. Dans le Bifrost 118 , il y a   donc un gros dossier sur Yal Ayerdhal (qu'on appelait entre nous simplement Yal) . Un dossier sur l'homme actif et en colère qu'il était, de ses combats pour le droit des auteurs à son militantisme intelligent (il y en a) . Dans le  Bifrost 118  il y a aussi une plaisante nouvelle de Yal Ayerdhal,  Scintillements . Il y raconte comment finit la "guerre éternelle" entre deux civilisations galactiques qui n'auront jamais pu communiquer. Dans un écho déformé de Lem ou d'Haldema...

Gnome de Zurich


Flore Vasseur est une diplomée IEP/HEC qui a vécu à New-York la folie de la bulle Internet, puis a tout plaqué pour se promener dans le monde avant de créer un cabinet de consulting. Elle a écrit "Une fille dans la ville", une autobiographie, puis maintenant "Comment j'ai liquidé le siècle", fable morale sur un trader qui s'engage dans la destruction du système financier mondial. Ce roman est une perle.
Décrivant un milieu qu'elle connait parfaitement, Flore Vasseur place le lecteur dans la tête d'un trader de très haut niveau, lui permettant de voir ce qu'il voit, d'entendre ce qu'il entend, et de savoir ce qu'il pense. Et c'est édifiant.
Pierre est le trader-type. Fils d'un petit artisan de Clermont-Ferrand, matheux compulsif et donc adolescent inadapté à la vie sociale, il fait Polytechnique et devient trader dans une grande banque. Il a 25 ans, une compétence relationnelle nulle, et un salaire à 7 chiffres. Sa vie se partage entre un travail quotidien de 18 heures et une vie de nabab. Flore Vasseur passe tout en revue sans rien omettre : la morgue des traders (des "X" qui considèrent les Enarques comme des buses, et les diplomés d'école de commerce comme des zéros), leur nombreux petit personnel, leurs lofts somptueux remplis d'oeuvres d'art et de jouets d'enfants à 15000$, leurs multiples voitures de sport, leur consommation de produits hors de prix markétés et vendus par des petits futés qui savent où trouver les vaches à lait, leur mépris pour tout ce qui n'est pas leur caste, leur irresponsabilité morale, leurs mariages ratés, forcément ratés, leurs enfants malheureux, leurs parents oubliés, leur sexualité faite de prostituées de luxe et de filles ambitieuses, leurs coachs périnéaux, l'absence d'attache de ceux qui sont peut-être les seuls vrais apatrides. Le petit monde des traders constitue une aristocratie qui a tous les traits et les travers de celle d'Ancien Régime, en particulier son caractère parasitaire et souvent obscène. Tout ceci pourrait paraitre bien sinistre à lire. Mais le grand talent de Flore Vasseur est de brosser ce tableau avec un cynisme, un ton caustique et décapant qui rend souvent le roman hilarant (le couple de Pierre raconté en 5 pages de la rencontre au divorce est un petit bijou). Il faudra aimer l'humour noir pour apprécier ; j'ai adoré.
Il y a quelques années j'avais lu le très pénible "Horreur économique" de Viviane Forrester. Ce que décrit Flore Vasseur n'en est pas très éloigné, mais là où le Forrester était une purge, le Vasseur est un grand moment de plaisir. Là où l'hystérie incantatoire de Forrester rendait les grands capitalistes presque sympathiques, Vasseur livre au lecteur le portrait d'une classe dont le monde ferait bien de se débarasser.
Mis à part un peu de conspirationnisme (je ne suis pas très fan) et deux ou trois dernières pages un peu surréalistes, "Comment j'ai liquidé le siècle" est un roman jubilatoire que j'ai dévoré en deux soirées et que je conseille vivement à tous ceux qui veulent pouvoir expliquer pourquoi ils n'aiment pas les financiers.
Comment j'ai liquidé le siècle, Flore Vasseur

Commentaires