Le second recueil de Gudule, après "
Le club des petites filles mortes", vient de sortir. Huit
novellas d'une centaine de pages environ.
J'évacue les défauts : un premier texte où tout le monde se connait et se reconnnait, qui rappelle un peu ces pièces de Molière où on s'aperçoit à la fin qu'ils étaient tous parents ; quelques facilités scénaristiques ; des climax parfois décevants après une montée en tension très efficace.
Ceci posé, reste le bon.
Au fil de ces huit contes pour adultes, on rencontre des enfants assassins, des enfants martyrisés, des liaisons incestueuses, de l'amour, du sexe. On oscille en permanence entre réalité, souvenirs, rêve, fantasmes, hallucinations, manifestations fantastiques, avec des transitions tellement douces qu'il est difficile de trouver la frontière entre deux états. Chez Gudule le subconscient se donne à voir en pleine lumière et le visible ne permet jamais de présager de l'invisible.
La progression narrative est rythmée à merveille car Gudule fait très bien deux choses : elle sait doser la montée en tension pour rendre son histoire progressivement de plus en plus inquiétante, et elle excelle à détourner l'attention du lecteur de la vraie direction vers laquelle se dirige la
novella (Gudule invente le twist final de milieu de récit ;-) ce qui fait que chaque histoire est surprenante.
Elle décrit parfaitement les enfants ou les adolescents. Ils sont crédibles dans leur élocution particulière, crédibles dans leurs sentiments excessifs et incontrôlés, ou leur incapacité à percevoir ce qui est impossible.
Elle décrit les nombreuses sexes de sexe ou de désir sans utiliser toutes les métaphores convenues qu'emploient les auteurs masculins, et c'est reposant.
Elle sait créer une connivence avec le lecteur en écrivant le plus souvent à la première personne. La connivence personnage/lecteur est un art délicat qui avance entre deux écueils, l'œillade rigolarde et la trop grande distance. Gudule place ses personnages à la distance idéale, elle les rend par là même attachants. Elle fait aussi montre d'une ironie pince sans rire, drôle et perçante dans son cynisme et son mépris des conventions sur ce qui est dicible, qui la place à des années lumière de la prose des spécialistes français du gros pastiche qui tache. Quantité des phrases placées par Gudule dans l'esprit de ses personnages pourraient être utilisées comme aphorismes.
Aucun texte n'est mauvais, mais dans les limites de ce que j'ai écrit plus haut. Certains sont vraiment bons avec une mention spéciale personnelle pour les deux derniers textes, l'un doté d'une "Mary Higgins Clark" perverse, l'autre écrit avec un style qui rappelle fortement les nouvelles de Boris Vian. Au final un recueil en dessous
du précédent mais qui ne déçoit jamais vraiment.
Les filles mortes se ramassent au scalpel, Gudule
Commentaires
Je passerai donc mon chemin vu que c'est apparemment inférieur au premier.