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Mon nom est Titan" est le dernier volume (pour l'instant) des nouvelles (pas toutes) de Robert Silverberg. On sait (ou pas) que j'aime beaucoup le grand Robert (et c'est un euphémisme). Il nous a gratifié de tant de textes que je n'ai pas le courage de tenter une récapitulation (n'est pas Nébal qui veut ;-)
Je vais donc me borner à citer "
Le livre des cranes", "
L'oreille interne", "
L'homme programmé", "
Les monades urbaines", and so on and so on and so on...
Aussi "
Les chroniques de Lord Valentin" (bof !).
Il a aussi écrit un nombre incalculable de nouvelles, puisqu'il affirmait à une époque pouvoir écrirer une nouvelle sur commande par jour, qu'il vendait souvent à Playboy.
Qu'attendre de "
Mon nom est Titan" ? Malheureusement peu de surprises. Il y a un style Silverberg et
nihil novi sub sole dans ce recueil. Silverberg n'est pas (plus ?) un innovateur ou un précurseur. En revanche il est un redoutable artisan. Il sait livrer des textes écrits, construits, qualitatifs. Silverberg est comparable à ces restaurants dans lesquels il n'y aura jamais de cuisine moléculaire mais où on sait admirablement réaliser les plats du terroir. Je reviens à Silverberg comme je reviendrais dans une auberge, un peu à l'écart des grandes routes, où le service serait toujours chaleureux et attentionné.Comme dans tout recueil de nouvelles, tout n'est pas excellent (je crois l'avoir déjà écrit ailleurs), mais il y a suffisamment de bonnes choses pour qu'on ait envie de gouter la sélection.
C'est dans les uchronies et les voyages temporels que Silverberg excelle et se démarque, et les nouvelles présentées ici ne font pas exception. De même, on y retrouve la goguenardise, la liberté de ton, et la spiritualité très personnelle de l'auteur (Silverberg pense toujours à Dieu, mais sous tant de formes qu'on ne se lasse jamais de l'en entendre parler). Le Grand Bob donne l'impression d'avoir décidé une fois pour toutes que le sérieux était pour les sinistres, et il n'écrit pas souvent au premier degré (et ceci sans jamais tomber dans des numéros de pétomane, ce dont tout le monde ne peut pas se vanter). Silverberg est un pince sans rire philosophe, une sorte de vieux juif joueur d'échec de Brooklin qui serait devenu priapique après un shoot en Californie. Ca m'amuse, ça me détend.
Les meilleures nouvelles sont donc :
La maison en os, émouvant rite d'intégration d'un américain contemporain égaré dans une tribu du néolithique, qui découvre ses hôtes moins barbares qu'il ne les imaginait.
Vers la terre promise, où une secte juive tente de réussir vers l'espace l'Exode que Moïse n'avait pas réussi à mener à bien lors de sa tentative vers la Mer Rouge.
Le sommeil et l'oubli, ou comment un érudit modifie la réalité d'une dimension parallèle en suggérant à un grand conquérant assoupi de devenir ce qu'il est.
Entre un soldat, puis un autre. Prix Hugo 1990 pour la meilleure nouvelle. Brillant dialogue entre un Pizarro et un Socrate reconstitués par informatique. Tellement brillant que j'ai commandé "
Time gate", le recueil dont est extrait ce texte et qui contient d'autres dialogues de la même eau.
Voué aux ténêbres, une belle histoire sur la fuite des périphéries loin des centres, sur l'hérésie qui surgit du dogme. Une histoire pleine de spiritualité. Une quête.
Tombouctou à l'heure du lion, superbe uchronie située en Afrique, dans un grand royaume africain où la mort annoncée du roi donne libre cours à toutes les manipulations de la part de pays "amis" cherchant à tirer partie de l'évènement. On sent la moiteur et la chaleur et c'est oppressant.
La zone des clones, cauchemar dystopique dans une dictature sud-américaine clonarchique. On appréciera le cynisme et le réalisme du principal protagoniste.
Longue nuit de veille au temple, une nouvelle qui évoque la
fantasy, même si les héros involontaires en sont des extra-terrestres. Une réflexion sur l'origine des mythes, le besoin de mensonge et le danger de la vérité.
La route de Spectre City, jolie nouvelle sur la tolérance et l'ouverture dans un pays coupé en deux par une occupation extra-terrrestre.
La venue de l'empire, voyage temporel amusant dans la Byzance du passé. Ou comment des américains modernes réinventent la verroterie.
Le deuxième bouclier. Il existe un milliard (au moins) de textes sur les affres de la création. Celui-ci a pour lui d'être original.
Le reste n'est jamais mauvais mais bien plus dispensable. On y sent parfois beaucoup la patte Playboy de l'histoire courte à chute.
Mon nom est Titan, Robert Silverberg
Commentaires
A propos de cette nouvelle, voici l'obscénité que je trouve par hasard et par Google sur un blog appelé "Jour$nal des Indi$gènes" : Une grosse merde antisémiteLes bras m'en tombent. J'en connais sur certains forums qui feraient mieux de s'inquiéter de ça plutôt que de la loi Hadopi.
Dans un autre genre, je suis aussi tombé sur un blog qui demandait la réhabilitation d'Hitler et indiquait que le peuple allemand avait pris les armes en 1939 pour défendre ses acquis sociaux.
Le net est vaste...
Faudra que je revienne à Silverberg, un jour... Mais lui ce n'est pas comme si je n'avais rien lu de lui. :)
Plutôt le contraire, je l'ai même découvert en littérature jeunesse quand j'avais 12 ans, à moins qu'il ne s'agisse d'un homonyme.
Cela dit à chaque fois je ramasse mes bras...