Yal Ayerdhal in Bifrost 118 - La fin de la guerre éternelle

Dans le Bifrost 118 il y a les rubriques habituelles. Critiques des nouveautés, scientifiction and so on. Il y a aussi un édito d'Olivier Girard qui rend un hommage appuyé et émouvant à Yal Ayerdhal , un grand de la SF française qui nous a quitté il y a dix ans et dont je me souviens de le gentillesse et de la capacité d'attention à tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, appartenait à ce milieu qui était le sien et qui est le nôtre. Dans le Bifrost 118 , il y a   donc un gros dossier sur Yal Ayerdhal (qu'on appelait entre nous simplement Yal) . Un dossier sur l'homme actif et en colère qu'il était, de ses combats pour le droit des auteurs à son militantisme intelligent (il y en a) . Dans le  Bifrost 118  il y a aussi une plaisante nouvelle de Yal Ayerdhal,  Scintillements . Il y raconte comment finit la "guerre éternelle" entre deux civilisations galactiques qui n'auront jamais pu communiquer. Dans un écho déformé de Lem ou d'Haldema...

Luchtigern


Premier volume d'une nouvelle série, "Luchtigern" est un album particulièrement intéressant à plusieurs titres. Comme pour tous les (souvent excellents) titres de la collection Soleil Celtic, le cadre est une réalité historique légèrement transformée par l'adjonction d'éléments tirés des légendes celtiques. Dans cette série, on nous dévoile progressivement le destin d'un homme que d'étranges occurences ont transformé en démon. En soi, c'est suffisamment intrigant pour donner envie de lire, et de connaître la suite à venir dans un second et dernier volume. Mais l'album fait preuve de plusieurs autres qualités. Tout d'abord l'écriture est ici très littéraire. Les dialogues, comme les descriptions, sont écrits, au sens le plus qualitatif du terme. Et, même si ça peut paraitre être un étrange indicateur, les textes sont longs; "Luchtigern" est une BD à lire autant sinon plus qu'à regarder. On y a plus l'impression de lire un roman du XIXème (ou une nouvelle de Lovecraft, Grands Anciens en moins) qu'un volume de BD. Ensuite, l'histoire principale se passe du temps de Cromwell et de sa new model army, période de l'histoire anglaise peu connue en France et rarement utilisée dans un cadre littéraire. De plus, c'est un moment particulier et tragique de cette dictature qui est abordé ici : la dépossession des terres d'Irlande au profit de nobles ou d'ennoblis militaires anglais et au détriment de la population irlandaise, évènement hautement condamnable dont les conséquences dessinent encore aujourd'hui la carte des deux Irlande. Source de toutes les haines à venir et de tous les désirs de vengeance, cette colonisation nobiliaire met en mouvement la réaction de la population et de l'âme irlandaise contre cette oppression qui a été particulièrement violente (pour notre édification, nous profitons pleinement, par exemple, de la fatuité stupide et arrogante des nobliaux anglais lors d'une réception ou des atrocités commises lors de la prise de villes assiégées). Enfin, l'ouvrage sait être paillard, violent, cru, en un mot fidèle à l'époque décrite. Et en le lisant on se surprend à penser au Barry Lyndon de Kubrick, tant les ambiances sont similaires entre ces deux histoires d'hommes dont le destin est de s'élever dans l'Europe en guerre par les biais des deux moteurs du fatum que sont les armes et les femmes.
Enfin, les graphismes colorés sont réalistes et agréables, même si les visages peuvent sembler un peu étranges, vaguement cartoonesques mais sans excès (sinon je n'aurais pas acheté).
Vivement le tome 2 !
Le dieu des cendres, t1 Luchtigern, Debois, Aja, Cordurie

PS : Pour la petite histoire, l'Encyclopedia Mythica donne pour Luchtigern : Le seigneur-rat de Kilkenny. Tué par le chat gigantesque nommé Banghaisgidheach.

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