The Butcher of the Forest - Premee Mohamed

Il y a des années de ça, quelqu'un disait dans une interview : « Les Blancs nous emmerdent avec leurs problèmes » . C'était Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino – je ne sais plus lequel – et il parlait, si mes souvenirs sont bons, des clips de Talking Heads ou de Laurie Anderson. Tu vois, lecteur, que je source avec grande qualité cette brève chronique. Que celle de ces deux personnes qui s'est vraiment exprimé sache que, dorénavant, c’est à peu près tout le monde qui nous emmerde avec ses problèmes. Démarrer ainsi la chronique de The Butcher of the Forest , novella fantastique de Premee Mohamed, te permet de subodorer, sagace lecteur, que je ne l'ai pas vraiment appréciée. Détaillons un peu plus. Temps et lieu indéterminé. Espace-temps des contes. Veris est une femme d'une quarantaine d'années qui vit dans un petit village, au cœur d'une région conquise par un tyran (oui, c'est son seul nom dans le texte) après une guerre et des massacres innommabl...

Mazel Tov


Voici un livre que j'ai failli abandonner au bout de 40 pages parce qu'il était trop difficile à lire. Ce texte en anglais, pas encore traduit, est truffé de mots yiddish et de néologismes dans le même idiome. Je me suis rapidement arraché les cheveux. Puis j'ai fini par entrer dans la langue comme on s'habitue à un nouveau paysage, et alors ça a été un vrai plaisir de lecture. La langue de Chabon a un pouvoir évocateur énorme. Les diverses communautés qui peuplent le roman ont chacune leur manière propre de s'exprimer. Les décors sont dépeints de manière quasi visuelle, et on voit littéralement les personnages agir, on entend leur voix, on devine leur langage corporel.
"The yiddish policemen's union" est une uchronie. Un territoire juif autonome a été créé en 1940 en Alaska. Il a accueilli ceux des juifs européens qui ont pu fuir avant la guerre et ceux qui avaient survécu, Cette deuxième vague étant arrivée après le lacher de la bombe A sur Berlin en 1946. La langue officielle est le yiddish. Israël n'existe pas. Nous sommes en 2007. Dans deux mois le territoire doit être rétrocédé à la souveraineté américaine.
L'ouvrage commence comme un roman noir à la Chandler. Un flic à la dérive est appelé dans une autre chambre de l'hôtel miteux où il vit pour constater l'assassinat de son occupant. Celui-ci a été abattu d'une balle dans la tête, assis face à un jeu d'échec en cours. Le nom qu'il a donné à la réception est emprunté à un joueur d'échec célèbre, Emanuel Lasker.
La politique de ce blog est de ne pas donner de résumé, seulement du ressenti. Ici il est indispensable de ne pas dévier de la règle. On doit lire ce livre sans savoir ce qui s'y passe car le déroulement du récit et ses diverses ramifications sont très surprenants et très bien amenés. S'appuyant sur la tradition yiddish (au sens fort du mot), Chabon tisse une histoire passionnante qui prend ses racines dans le coeur de la culture des juifs de l'Est (pour le peu que je puisse en juger). Il est fascinant de constater à quel point ce territoire imaginaire peut nous sembler étranger alors qu'il n'est pas si éloigné de notre réalité. Rien d'étonnant alors à ce que ce livre se retrouve dans ce blog et qu'il soit nominé pour le prix Hugo 2008. La caractérisation est de grande qualité avec des personnages crédibles, détaillés, dont les descriptions les rendent vivants sous les yeux du lecteur. Le texte est parcouru de l'ironie caustique qu'on associe à l'humour juif de Brooklin, certaines descriptions de personnages ou de situations par exemple sont hilarantes. Souvent la métaphore remplace une description absente. Les double sens sont nombreux. Tout ceci complique un peu la lecture mais apporte un plaisir énorme, jubilatoire. J'aurais fait une très grave erreur en abandonnant "The yiddish policemen's union" au début ; je me serais privé d'un grand plaisir de lecture et d'une vraie évasion dans un monde étranger.
The yiddish policemen's union, Michael Chabon

Commentaires

Anonyme a dit…
J'ai très envie de le lire. Ça a l'air très original. J'hésite, pour la VO. J'ai déjà lu un roman de Michael Chabon, c'était "Les extraordinaires aventures de Kavalier & Clay", une histoire inspirée de la vie des créateurs de comics américains. C'était pas mal du tout. Je te le conseille.
Gromovar a dit…
OK. Je vais me le procurer rapidement. Je ne sais pas si une traduction est dans les tuyaux, alors...
Anonyme a dit…
Ca m'a l'air pas mal du tout, ça ; mais je vais attendre une hypothétique traduction française, tout de même...
Gromovar a dit…
Je pense que c'est une décision prudente :)
Anonyme a dit…
Vient de paraître de français, bon et bien je plus d'excuses pour ne pas m'y mettre. Hop sur la liste d'achat d'autant que tu n'es pas le seul à en dire du bien.
A.C. de Haenne a dit…
Je ne peux dire qu'un truc : Chabon, c'est du tout bon !

A.C.
Gromovar a dit…
Ou, "Tout est bon dans le Chabon".