The Butcher of the Forest - Premee Mohamed

Il y a des années de ça, quelqu'un disait dans une interview : « Les Blancs nous emmerdent avec leurs problèmes » . C'était Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino – je ne sais plus lequel – et il parlait, si mes souvenirs sont bons, des clips de Talking Heads ou de Laurie Anderson. Tu vois, lecteur, que je source avec grande qualité cette brève chronique. Que celle de ces deux personnes qui s'est vraiment exprimé sache que, dorénavant, c’est à peu près tout le monde qui nous emmerde avec ses problèmes. Démarrer ainsi la chronique de The Butcher of the Forest , novella fantastique de Premee Mohamed, te permet de subodorer, sagace lecteur, que je ne l'ai pas vraiment appréciée. Détaillons un peu plus. Temps et lieu indéterminé. Espace-temps des contes. Veris est une femme d'une quarantaine d'années qui vit dans un petit village, au cœur d'une région conquise par un tyran (oui, c'est son seul nom dans le texte) après une guerre et des massacres innommabl...

Une enquétitude


"Les hommes qui n'aimaient pas les femmes" (qu'on peut trouver en ce moment absolument partout (même dans le rayon Livres de Champion, c'est dire)) est un roman policier qui m'a laissé un sentiment très ambivalent, à tel point que j'ai hésité à écrire quelque chose dessus dans la mesure où j'avais décidé au départ de ne parler que de livres que je conseillais inconditionnellement. Néanmoins je m'y attelle, car c'est le premier roman ségoliste que je lis, et il faut bien que j'en dise quelque chose. De plus, Christina Ricci est en couverture, alors...
Factuellement le roman raconte deux enquètes parallèles et distinctes menées par le même duo formé assez tard dans le fil du récit (au moins à la moitié du livre). L'une porte sur une vieille affaire de disparition et va connaître des prolongements totalement inattendus, l'autre sur les agissements douteux d'un financier (sur laquelle on a peu de détails concrets et dont honnêtement on a un peu rien à foutre).
D'abord le positif : le whodunnit est très bien construit, la progression de l'enquète est très logique sans Deus ex machina. L'histoire de la disparition est donc passionnante et on a vraiment envie de savoir ce qui s'est passé réellement. Comme disent les anglais a real page turner.
Puis le négatif : Primo le style d'écriture est grosso modo celui d'une rédaction de bon niveau avec, de surcroit, des phrases aussi improbables que : "Il retoucha la photo sur son iBook. Pour cela il utilisa le logiciel Photoshop édité par la société Adobe" ou "il choisit d'acheter le nouvel iBook avec ses 64 Mo re Ram et son disque dur de 400 Go". Ca ressemble à du product placement mais ça n'a même pas l'excuse d'en être. Secundo toute l'enquète financière n'a aucun intérêt et elle occupe quand même un bon tiers du livre. C'est juste un délire idéologique sensé décrire un journaliste intègre en lutte contre les puissances d'argent (sic).
Enfin mon pathos, le ségoliste : On se souviendra que Ségolène Royal passait son temps à prendre pour modèle les "pays scandinaves" (je cite). Et bien, après avoir lu un roman scandinave, je me félicite que nous n'en soyons pas. Impossible de resentir un tel décalage culturel en lisant un autre roman européen. Ce roman suinte l'idéologie par toutes ses pores. Chaque partie du livre commence par une statistique sur les violences faites aux femmes placées en exergue (c'était l'un des chevaux de bataille de Ségo) ; le thème des violences faites aux femmes est d'ailleurs présent de manière obsessionnelle dans le roman (à commencer par le titre) ; l'image donnée de la vieille famille de capitalistes suédois est banalement caricaturale (on retrouve la fantasme habituel des riches et puissants qui sont des pervers sexuels) ; on découvre un monde qui n'est pas le nôtre, avec des valeurs de conformisme social imposées par la société, par le biais de tout un système d'institutions dont la mission (au sens religieux du terme) est d'assurer la stabilité du système (ça m'a fait penser à Mortelle de Christopher Franck, pour ceux qui ont eu la chance de le lire); on a droit à un peu d'anti-fascisme qui fait parfaitement incongru dans la mesure où les seuls "fascistes" du livre sont morts ou cacochymes et gateux (mais ça signe l'écrivain engagé) ; le héros fait de nombreux allers-retours de 3 heures en train (ça c'est écologiquement correct) mais il a quand même son permis de conduire, ce qui lui permettra d'emprunter une voiture quand il faudra accélérer ; l'inquiétude est palpable lors de la commission d'actes "borderline" tel que du piratage informatique (pour des gens aussi bien formatés il est MAL de violer la loi) ; le héros accepte d'aller trois mois en prison sans se défendre parce qu'il a été condamné dans une affaire de diffamation et qu'il estime ne pas avoir de moyens de contre-attaquer, de plus il prend un certain plaisir à son séjour en prison (la joie de la rééducation sociale sûrement) ; le poids de l'opinion, par l'entremise de la presse, est colossal ; etc... J'arrète là, vous en trouverez d'autres
Finalement la seule chose que je voudrais bien qu'on importe de l'idéologie scandinave est leur grande liberté sexuelle, amplement exposée dans le livre :-) Et je me dis qu'en n'élisant pas Ségolène Royal nous l'avons échappé belle. Car comme le dit l'excellente Corinne Maier sur son blog :
"« Le fascisme, ce n’est pas d’empêcher de dire, c’est d’obliger de dire », écrivait Roland Barthes. D’où l’intérêt de repérer les mots que nous sommes encouragés ou poussés à utiliser aujourd’hui."
Les hommes qui n'aimaient pas les femmes, Stieg Larsson

La critique de Cédric Ferrand

L'avis d'Anudar

Commentaires

Nicolas a dit…
C'est drôle que tout le monde dise que le style est moyen. Je trouve au contraire l'écriture très maîtrisée, certes il n'y a pas d'envolées lyriques, mais cela reste un polar... J'ai adoré ce roman dont l'intrigue est parfaitement maîtrisée. Seul bémol: le manque de rythme de certans passages (le début et la fin notamment). Les erreurs de traduction ne m'ont en revanche pas dérangé.
Gromovar a dit…
Peut-être que je ne lis pas assez de polar mais on trouve sans difficulté sur le marché des gens qui écrivent d'une manière bien plus convaincante ; à moins qu'il ne faille blâmer la traduction et non pas le style original.