Je n'aime pas les bonus, interviews, et autres suppléments dans lesquels les auteurs d'une œuvre s'expriment. Destinés au lecteur, ils transforment en plagiat ce que le blogueur écrit après l'avoir patiemment compris. Je ne remercie donc pas Glénat pour l'interview croisée de Thomas Day et d'Aurélien Police incluse dans le one-shot Juste un peu de cendres. Essayons quand même.
Ashley Torrance a dix-sept ans, une famille aimante, et des yeux vairons. Cette particularité lui donne le pouvoir de déchirer le voile d’illusion qui dissimule à la vue de tous la nature résolument non-humaine de certaines des personnes qu'elles croisent. Elles les voient, mais eux aussi la voient, et la craignent, et l'agressent. Il est alors temps pour elle de partir, quitter sa famille pour la protéger, en rejoindre d'autres comme elle qui l'aideront à remonter à la source du mal et à combattre les zombies ? démons ? elle ne sait pas. Elle le découvrira.
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Juste un peu de cendres", c'est l'histoire de laissés pour compte, de marginaux, de désespérés, qui deviennent légion quand la société est en crise, quand – Durkheim l'écrivit – l'anomie domine. Des invisibles, aux marges, qui effraient autant qu'il sont effrayés, jusqu'à la violence ;
« ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte », comme disait l'autre.
C'est aussi une histoire fantastique, tendue et nerveuse, sublimée par une mise en image spectaculaire qui rappelle fortement Dave McKean, entre photoréalisme, collages, et trames apparentes, entre autres techniques
(jusqu'à l'utilisation d'une version immolée du scénario). Un récit punk au meilleur sens du terme qui amène à se demander si l'approche
Sniffin' Glue n'est pas la seule à même de rendre la nature profonde du mouvement. Une histoire enfin qui plonge ses racines dans un lointain passé et rappelle que
« le mal que font les hommes vit après eux ».
C'est encore une narration à la première personne, Ashley se racontant après coup. Ashley, pour les proches, c'est Ash. Alors, "
Juste un peu de cendres" c'est bien sûr l'histoire de ce peu de cendres qui subsiste quand les monstres
(à plaindre plus qu'à blâmer) sont éliminés, mais c'est aussi un peu de la vie de Ash qui s'est dévoilée au lecteur.
C'est enfin une vraie histoire de Thomas Day. On y trouve des références plus ou moins explicites et/ou volontaires à
La ville féminicide, à McKean
(l'asile de Markham ou la fausse identité que se choisit Ashley), plus un souci écologiste, et un vrai souci social qui n'oublie pas que si existent des damnées de la Terre ce sont sûrement les damnées de l'industrie du sexe. Flashes aussi sur des réminiscences d'ambiance narratives ou graphiques, plus furtives et peut-être surinterprétées, au
Violent Cases de Gaiman, à
Sept secondes pour devenir un aigle, ou à
Invasion Los Angeles.
En conclusion, "
Juste un peu de cendres" est un très beau comic qui raconte une histoire menée de main de maître. Récit et graphisme sont en parfaite concordance pour offrir au lecteur une histoire captivante, cohérente, dure, et un peu désespérée.
Juste un peu de cendres, Day, Police
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