The Butcher of the Forest - Premee Mohamed

Il y a des années de ça, quelqu'un disait dans une interview : « Les Blancs nous emmerdent avec leurs problèmes » . C'était Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino – je ne sais plus lequel – et il parlait, si mes souvenirs sont bons, des clips de Talking Heads ou de Laurie Anderson. Tu vois, lecteur, que je source avec grande qualité cette brève chronique. Que celle de ces deux personnes qui s'est vraiment exprimé sache que, dorénavant, c’est à peu près tout le monde qui nous emmerde avec ses problèmes. Démarrer ainsi la chronique de The Butcher of the Forest , novella fantastique de Premee Mohamed, te permet de subodorer, sagace lecteur, que je ne l'ai pas vraiment appréciée. Détaillons un peu plus. Temps et lieu indéterminé. Espace-temps des contes. Veris est une femme d'une quarantaine d'années qui vit dans un petit village, au cœur d'une région conquise par un tyran (oui, c'est son seul nom dans le texte) après une guerre et des massacres innommabl...

Pas de retour en Ostalgie - Wanda Hagedorn - Good Bye Poland


"Pas de retour en Ostalgie" est un album oneshot autobiographique de Wanda Hagedorn. Le titre fait référence à l’ostalgie, cette nostalgie des Pays de l’Est disparus et des aspects « positifs » des sociétés communistes, plus solidaires et moins dures sans doute au prix d’une organisation dictatoriale et d’un endoctrinement constant. Illustré dans le film Good Bye Lenin !, l’ostalgie est un sentiment ambivalent, réactionnaire et sélectif dans son approche des mémoires individuelles et collectives.

Wanda Hagedorn, née et élevée en Pologne, vit aujourd’hui en Australie, et elle annonce la couleur dès le titre : "Pas de retour en Ostalgie" pour elle ; son enfance en Pologne ne fut pas « globalement positive ».

Années 60. Wanda vit à Szczecin - une ville dans les territoires d’Allemagne attribués à la Pologne à la fin de la guerre en échange de ceux que s’appropria l’URSS à l’Est - avec sa famille. Avec elle, trois sœurs plus jeunes, sa mère, son père. Le foyer est sinistre. Sinistre car en Pologne communiste, sinistre car siège d’une névrose familiale.

Côté Pologne, un pays où le niveau de vie a trente ans de retard sur celui de l’Ouest, Wanda vit dans un appartement réquisitionné. Sa famille partage l’appartement avec la victime de la réquisition, la « Boche », ils se livrent une guerre d'usure. Dans l'immeuble, l’eau chaude est rare, les toilettes partagées, le chauffage parcimonieux. La propagande est permanente, qu’elle vienne du Parti ou de l’Eglise catholique, opposés idéologiquement mais identiques dans le contrôle social. Dans les deux cas, il faut se conformer, obéir, accepter, apprendre par cœur le crédo, et le dire sous peine d’ennui.
Wanda va dans l’une de ces écoles numérotées et sans nom, typiques de l’Est. Elle doit porter ses badges, participer aux organisations de jeunesse ainsi qu’aux diverses parades à thématiques militaires et nationalistes.
Même les doryphores ont été « largués par l’aviation américaine », et quand un tank soviétique écrase par accident des enfants, il ne fait pas en parler ; les Soviétiques, c'est des amis.


Côté famille, la mère de Wanda, d’origine aisée, est stricte et froide. Elle n'enseigne à ses filles que pudeur, modestie, discrétion - à la dure. De formation catholique, elle en a les excès d’autodiscipline et d’acceptation, même si elle est elle-même outrée par la bigoterie stupéfiante d’une vieille tante qui garde parfois les petites. Le père de Wanda est un communiste fervent, fils de paysans pauvres, carriériste et revanchard. Pervers narcissique, violent, il fait marcher son petit monde au son de la musique de son humeur. Il appelle ses filles par des noms masculins (« mes marmots ») pour compenser sa frustration de ne pas avoir de garçon, et régente tous les aspects de leur vie, jusqu’à envoyer Wanda vivre chez un cousin pour pouvoir l’inscrire dans un lycée prestigieux.
Entre père et mère, pas d’amour. La mariage de la carpe et du lapin doublé d’une vraie domination patriarcale.
Wanda a aussi ses quatre grands-parents. Côté paternel, peu d’affinités entre cette petite urbaine et ses ancêtres ruraux. Côté maternel, une vraie affection entre elle et sa grand-mère qui lui ouvre l’esprit, la sort, lui fait lire des livres « licencieux » comme les Claudine, lui fait découvrir une sensualité que sa mère et son pays mettent sous l’éteignoir.

L’enfance de Wanda, entre désagréments quotidiens, prise d’autonomie, et découverte progressive de la sexualité, est globalement déplaisante. Un père qu’elle hait, une mère distante, et la pression d’une société patriarcale, autoritaire, grise : « une enfance catholique patriarcale et polonocommuniste, donc dépressive, oppressive et répressive ». Sans oublier les agressions sexuelles à bas bruit qui s’exercent sur les filles et sur lesquelles il importe de garder le silence ; de ces choses, on ne parle pas. Heureusement il y a ses sœurs avec qui elle forme une petite tribu solidaire face à l’adversité, sa grand-mère Héléna – à la bisexualité probable – qui lui aère la tête, et les livres, qu’elle dévore avidement et qui l’extraient de la noirceur de son monde, un monde si ennuyeux que le spectacle de la petite fille du premier souffrant de la polio était « la première attraction de l’immeuble ».

Wanda devra partir très loin pour être libre, vivre enfin, réaliser le rôle de sa grand-mère Héléna dans sa construction personnelle, et découvrir le féminisme dont elle devient une militante active.

Qu’on ne s’y trompe pas, en dépit de son cadre, le livre n’est pas une livre d’analyse politique, c’est d’abord la chronique d’une famille dysfonctionnelle - comme Good Bye Lenin ! était moins un film politique qu'un film sur l'amour filial. Certes, la Pologne communiste colore et oriente les évènements, mais elle n’est qu’un élément parmi d’autres de la vie bien morose de Wanda. De ce point de vue, l’album peut laisser le lecteur sur sa faim.

 Pas de retour en Ostalgie, Hagedorn, Fras

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