The Butcher of the Forest - Premee Mohamed

Il y a des années de ça, quelqu'un disait dans une interview : « Les Blancs nous emmerdent avec leurs problèmes » . C'était Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino – je ne sais plus lequel – et il parlait, si mes souvenirs sont bons, des clips de Talking Heads ou de Laurie Anderson. Tu vois, lecteur, que je source avec grande qualité cette brève chronique. Que celle de ces deux personnes qui s'est vraiment exprimé sache que, dorénavant, c’est à peu près tout le monde qui nous emmerde avec ses problèmes. Démarrer ainsi la chronique de The Butcher of the Forest , novella fantastique de Premee Mohamed, te permet de subodorer, sagace lecteur, que je ne l'ai pas vraiment appréciée. Détaillons un peu plus. Temps et lieu indéterminé. Espace-temps des contes. Veris est une femme d'une quarantaine d'années qui vit dans un petit village, au cœur d'une région conquise par un tyran (oui, c'est son seul nom dans le texte) après une guerre et des massacres innommabl...

Retour de chronique : Baudelaire le diable et moi - Claire Barré

Retour de chronique publiée dans Bifrost 79

Barré, "Baudelaire, le diable et moi", second roman de la Claire du même nom, l’est assurément. Qu’on en juge.

B. est une jeune femme dépressive, inactuelle, un peu gothique, qui se rêve poète. Très seule dans ce Paris vernien qui n’aime plus la poésie, elle vivote de petits boulots qui l’indiffèrent. Ses seuls émois sont pour les poètes, Baudelaire surtout. Alors, quand un diable nommé Melmoth lui propose de vendre son âme contre la possibilité d’aller dans le passé rencontrer ses poètes favoris (Baudelaire, Rimbaud, d’autres encore), elle n’hésite pas. De brèves rencontres en fugues érotiques elle réalise son rêve, jusqu’à ramener chez elle un Baudelaire, involontaire muse qui se révèle vite inadaptée à l’époque.

Le roman commence bien. Sur un ton très ironique, B. décrit à la première personne un monde de la superficialité et de la marchandise – le nôtre – qui ne fait plus de place à la beauté poétique. Truffé de références tant explicites que cachées, le texte est un cri d’amour, justifié, à la poésie du tournant XIXème/XXème. De plus, l’idée du voyage dans le temps est intéressante. Elle offre à B. l’occasion de quelques réflexions pertinentes sur la difficulté à parler vraiment à un auteur qu’on admire quand on vient à le rencontrer. Comment parler à l’auteur quand c’est l’homme qu’on a en face ? Les chasseurs de dédicaces comprendront. Elle lui donne aussi l’occasion de dire deux ou trois choses, rapides, sur le pouvoir qu’a l’art de modeler le monde.

Hélas, assez rapidement, l’ironie cède la place à une sorte de farce souvent lourde. Le texte y perd en force et devient progressivement une de ces blagues ratées qu’on écoute avec un peu de gêne. D’autant qu’on n’accroche jamais à B., trop peu construite pour être émouvante, et que les personnages secondaires, juste esquissés, n’aident pas. Sans parler d’un Baudelaire dont on se demande ce qu’il vient faire dans cette galère, entre slam et écriture de série TV.

Enfin, le roman se conclut par une épiphanie à la Trainspotting, atrocement décevante. La B. en quête d’absolu s’adapte, choisit la vie, dit son amour aux petites joies simples de l’existence dans une succession de phrases qu’on croiraient tirées d’un recueil de pensées positives. Tout ça pour ça ! Sed non satiatus.

Baudelaire, le diable et moi, Claire Barré

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