"
Club Uranium" est le troisième tome de la tétralogie des
Origines de Stéphane Przybylski. Il fait immédiatement suite au
Marteau de Thor et on y retrouve les personnages des volumes précédents plus quelques nouveaux venus.
Evitons de spoiler, surtout pour ceux qui n’ont pas encore attaqué le cycle, la découverte fait partie du plaisir ici plus qu’ailleurs.
La course-poursuite mondiale continue entre les différents factions impliquées dans l’affaire des Origines. Tout le monde veut soit récupérer soit détruire l’artefact caché en Irak, et les parties en présence apparaissent maintenant en pleine lumière (du moins pour le lecteur). S’opposent donc au moins deux fois deux factions. D’un côté, les aliens scindés en deux clans aux buts opposés, de l’autre, les services secrets ou sociétés secrètes humaines dont les objectifs ne sont pas non plus homogènes. Les allégeances changent, les alliances aussi, les affiliations sont souvent à facettes et rarement évidentes, entre grand complot mondial, menace extraterrestre, et politique interne du IIIème Reich. Les enjeux sont très élevés, et les issues possibles de la guerre secrète, maintenant que les étrangers sont explicitement dans le jeu, vont de la destruction de l’espèce humaine à l'alliance en passant par la colonisation. S’y intrique ce qu’impose la folie nazie, course à l’armement nucléaire et quête des wunderwaffen ou du surhomme.
Ca roule, ça navigue, ça vole et ça s’écrase, ça tire, ça combat, ça tue, ça se cache, ça ment, ça dissimule, ça trahit (beaucoup), ça poursuit des agendas aussi variés que contradictoires.
Plus linéaire que les tomes précédents, "
Club Uranium" (dont le titre est un clin d’œil à
celui qui exista vraiment en Allemagne) développe essentiellement la période qui va du début de la guerre à l’assassinat d’Heydrich et prend place sur plusieurs continents, même si le gros de l’action a lieu au Moyen-Orient. Przybylski y adopte une approche très cinématographique dans laquelle de très brefs flashbacks suivent immédiatement une action pour la préciser, comme de minuscules vignettes mémorielles. Mais l’essentiel est globalement
streamlined, avec de nombreux changements de points de vue.
On y retrouve l’érudition historique de l’auteur qui aborde, par petites touches, la
conférence de Wannsee, l’opération
Barbarossa, l’action criminelle des
Einsatzgruppen en Europe de l’Est, la
révolte irakienne contre l’influence britannique, les tentatives d’Hitler pour obtenir une paix séparée avec l’Angleterre, la course au nerf de la guerre qui imposa l'aventure de
l'Afrika Corps ou l’invasion des Balkans, jusqu'à des faits plus anecdotiques comme l’amour du dictateur pour King Kong, entre autres. On y devine la dérive d’un Hitler auréolé de sa revanche-éclair contre la France et qui devient dès lors un omniprésent autant que piètre chef de guerre. On y comprend, par une allusion d’une phrase, quelle est la politique humaniste de Beria en URSS.
On y apprend enfin, dans une volonté affirmée d’histoire secrète cette fois, ce qui se passa « vraiment » lors de l
’assassinat d’Heydrich, ce qu’allait faire en Ecosse celui qui deviendrait l
e prisonnier de Spandau, ou comment le déroulement de la guerre posa régulièrement problème aux conspirateurs dans l’ombre. Sans compter qu’on peut s’interroger maintenant sur les motivations de la seconde guerre d’Irak.
Mais, en dépit de son inventivité et de son érudition, le roman n’est pas exempt de défauts.
La course à l’artéfact irakien, peut-être parce qu’elle se veut réaliste, est vraiment trop longue pour un résultat qu’on peut qualifier de maigre. Les pages consacrées aux évènements d’Ecosse ou d’Europe de l’Est semblent en revanche rushées, elles sont bien trop allusives. Du point de vue du rythme, le livre donne l’impression d’être un mashup entre les saisons 5 et 6 de
Game of Thrones.
De plus, les changements incessants entre des points de vue courts empêchent de se centrer sur un personnage. On peut bien sûr considérer que chaque faction est, en soi, un personnage, mais ça n’aide guère à l’identification. La méthode GRRM fonctionne mieux si les chapitres sont longs.
Ensuite, les rebondissements miraculeux sont clairement trop nombreux. Entre embuscades, captures, évasions, retournements complets de situation, on finit par avoir l’impression que tout peut arriver et que dans ce jeu rien n’est définitivement acquis - ce qui était sans doute le but - au prix d’un certain réalisme narratif.
Signalons enfin quelque dialogues un peu en dessous (entre Saxhaüser et Tassinari par exemple) et quelques moments féminins dont je n’ai pas réussi à déterminer s’ils étaient des hommages volontaires au style classique du roman d’espionnage.
On décrit souvent le tome central d’une trilogie comme le moins bon, c’est peut-être le cas aussi des tomes 3 des tétralogies. Les tenants et aboutissants de la lutte mondiale pour la liberté de l’Humanité se sont certes éclairés ici, les acteurs sont sortis de l’ombre, c’est positif, mais on aurait aimé un dévoilement parfois plus explicite et souvent plus dynamique.
En route maintenant pour la conclusion du cycle et les réponses attendues sur le destin de l’espèce humaine.
Club Uranium, Stéphane Przybylski
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