Joe Hill est le fils de Stephen King. J’imagine que tout le monde ici le sait. Avec quelques romans qui lui ont valu de nombreuses récompenses, et surtout avec l’excellentissime série comics
Locke and Key (primée également), il s’est progressivement fait un nom en plus d’un prénom, et fait maintenant partie sans conteste de la (plus si) jeune génération des auteurs fantastique américains.
Je dois avouer ici ne pas avoir lu le roman
Nosfera2 dont le comics "
Sans issue" est un préquel. C’est donc l’œil neuf et le regard frais que je me suis plongé dans cet album publié en français par Milady. Je ne l’ai pas regretté.
Donnons ici le résumé de
Nosfera2 afin que chacun sache bien de quoi il retourne :
Il suffit que Victoria monte sur son vélo et passe sur le vieux pont derrière chez elle pour ressortir là où elle le souhaite. Elle sait que personne ne la croira. Elle-même n’est pas vraiment sûre de comprendre ce qui lui arrive. Charles possède lui aussi un don particulier. Il aime emmener des enfants dans sa Rolls-Royce de 1938. Un véhicule immatriculé NOSFERA2. Grâce à cette voiture, Charles et ses innocentes victimes échappent à la réalité et parcourent les routes cachées qui mènent à un étonnant parc d’attractions appelé Christmasland, où l’on fête Noël tous les jours ; la tristesse hors la loi mais à quel prix… Victoria et Charles vont finir par se confronter. Les mondes dans lesquels ils s’affrontent sont peuplés d’images qui semblent sortir de nos plus terribles cauchemars.
Nosfera2 raconte donc l’affrontement qui oppose la jeune Victoria au démoniaque Charles Manx dans le monde cauchemardesque de Christmasland.
L’album "
Sans issue", pour sa part, comprend trois histoires liées pour une horreur totalisante.
D’abord, un prologue explique la genèse de Christmasland et l’origine de l’alliance néfaste entre Charles Manx et sa
Rolls Royce Wraith. On y voit comment la cruauté, la perversité, et finalement le malheur, naissent d’une enfance déchirée. On y voit le jeune Charles Manx, fils violé d’une prostituée haineuse, se réfugier dans un monde de rêve (ou bien plutôt de cauchemar) pour échapper à la réalité sordide qui est la sienne. On y voit Manx, adulte, qui croyait avoir échappé à la crasse de son enfance y replonger quand la crise de 29, les déceptions du mariage, et les manigances d’un escroc se liguent contre lui. Une rencontre fortuite avec Nosfera2, une Rolls Royce qui vit la mort tragique de ses précédents propriétaires, le fera basculer pour de bon dans le Mal. Il deviendra un ravisseur d’enfants, qu’il attire dans son parc de cauchemar de Christmasland, où, flattés par le pervers pédophile psychologique qu'est Manx, ils perdront toute empathie et toute humanité, devenant les démons agissants du lieu, victimes et bourreaux à la fois, d’une certaine manière comme Charles Manx lui-même, et comme tout enfant battu qui a, hélas, de grandes chances de devenir maltraitant plus tard. Dans cette ambigüité des personnages réside le machiavélisme de Hill, la qualité de l'ouvrage aussi.
On notera que le personnage de la voiture Nosfera2, son lien unique à Charles Manx, et les horreurs qui se déroulent sur sa banquette arrière lors du voyage initial vers Christmasland, évoquent fortement le personnage de
Christine, autre voiture maléfique, de Stephen King celle-là.
Le récit principal met en scène un groupe de criminels évadés qui se réfugient, après un accident et avec leurs gardiens/otages, dans Christmasland. Croyant échapper ainsi à leur destin carcéral, ils s’offrent en holocauste à un destin bien pire. Dans le monde fou et hors du monde de Christmasland, tout ce qui devrait évoquer le plaisir et les rires est inversé, tout ce qui devrait être agréable est mortellement dangereux. Même la Lune surveille les fuyards et les dénonce à leurs poursuivants. Survivre aux petits démons involontaires du parc d’attraction et fuir pour rentrer dans le monde réel va donc s’avérer très difficile pour les protagonistes de l’histoire.
De nouveau, les personnages sont ambigus, et souvent plus riches qu’il n’y paraît au premier abord. C’est vrai pour au moins l’un des criminels et pour sa gardienne, vrai aussi pour les enfants démoniaques bien sûr (qui ont l’air d’avoir subi, et pour les mêmes raisons, le sort funeste promis aux enfants désobéissants qui embarquent pour l’Ile des plaisirs dans
Pinocchio).
On notera que la
tough lady qui sert de gardienne à l’un des prisonniers s’appelle Agnès
Claiborne, un
easter egg que je dédie à Mélanie Fazi.
Enfin, une nouvelle illustrée raconte l’histoire de l’escroc qui ruina Charles Manx et le fit basculer. Encore une fois, une histoire sordide d’abus, d’enfance violée, de misère et de mort, conduit à ce que le Mal reçu soit passé à d’autres, blessant des deux côtés, comme un témoin d’athlétisme tranchant qui ne cesserait jamais de circuler de main en main et boirait autant le sang de son passeur que celui de son receveur.
Se terminant sur les couvertures et illustrations, "
Sans Issue" est un très bel album, aux dessins d’imaginaire enfantin perverti parfaitement dans le ton, et à l’histoire aussi convaincante que touchante.
Sans issue, Bienvenue à Christmasland, Hill, Wilson III
Commentaires
C'est meilleur que Horns ?