Christophe Carpentier, premier Prix Jacques Sadoul

Oyez ! Oyez ! Belles gens ! Sachez qu'hier a été annoncé le nom du premier lauréat du Prix Jacques Sadoul. Il s'agit de Christophe Carpentier, pour la nouvelle Un écho magistral , écrite à partir de la phrase-thème :  « Je vais au café pour lire le journal d’avant-hier »  sur le thème tiré au sort : SF. Les belles personnes immortalisées ci-dessus constituent le jury du prix (qui a visiblement bien mangé et bien bu)  : Sixtine Audebert, Philippe Béranger, Morgane Caussarieu, Jean-Pierre Dionnet, Marion Mazauric, Nicolas Rey, Jean-Luc Rivera, Christophe Siébert, Jérôme Vincent, Philippe Ward et Joëlle Wintrebert. Le trophée sera remis à l'heureux élu aux Imaginales 2025 et il sera publié dans le recueil dédié.

Esquisses


J’avais très envie d’aimer "Tétraméron" de José Carlos Somoza car c’est un auteur dont j’ai déjà beaucoup lu et apprécié. Il m’est hélas difficile d’être enthousiaste sur ce dernier opus.

Soledad, jeune collégienne de douze ans en visite dans un ermitage, s’éloigne de ses condisciples, descend un escalier, arrive enfin, passée une porte acajou, dans une petite pièce où quatre étranges personnages l’obligent à écouter des contes fantastiques et un peu terrifiants qui vont progressivement la mettre à nu et la transformer.

"Tétraméron" est un livre à sketches, comme il y a des films à sketches. Comme ce Décameron d’Antonioni qui s’inspirait de celui, littéraire, de Boccace. "Tétraméron" est aussi une allégorie, guère métaphorique, sur le passage à l’âge adulte d’une jeune fille. Elle devra se débarrasser des oripeaux duveteux de l’enfance et faire face à la cruauté du monde pour espérer s’y faire une place.

Somoza a placé toute la dureté du monde dans ce court récit. On y croise le péril nucléaire, l’obscénité consumériste sécularisée de l’Occident, la superficialité de la distinction, la fascination pour le spectacle, l’horreur économique (comme l’appelait Viviane Forrester dans un livre guère convaincant), le pouvoir de l'argent, la cupidité et l’immédiateté qui dévorent l’avenir, le poids de croyances religieuses toujours anthropophages. Il affirme aussi l’impossibilité d’isoler le principe du Mal et l’obligation de faire des choix pour avancer.

Somoza écrit plutôt bien, ses thèmes font sens, et son habituelle culture transpire dans le texte. Il se permet même de faire des clins d’œil appuyés à ses autres ouvrages, notamment à La dame n°13 et à Clara et la pénombre, ce qui pour un amateur de l’auteur est agréable. Mais on sort de cette lecture avec un sentiment de trop peu.

Bizarres mais jamais assez pour être qualifiés de weird, les récits sont désespérément trop sages pour étreindre. La perversion, la luxure, ou la violence, qui en constituent le fond sont modestes, jamais choquants, de fait décevants. Des orgies à la Eyes wide shut. On est loin, bien loin, de Bocacce. Il en faut beaucoup pour choquer aujourd’hui. Même la pédophilie, très platonique, suggérée à moultes reprises par l’apparition de jeunes corps nus a été rendue triviale depuis longtemps par les mangakas et leurs écolières en culotte de coton et yeux ronds hébétés.

Pour ce qui est de l’intrication du Bien et du Mal, explicite dans le récit Particules (par ailleurs le seul vraiment surprenant), on les trouvait déjà, sous une forme proche, chez Khalil Gibran. Et le problème est le même pour chacun des thèmes abordés. Tout a déjà été fait ailleurs, mieux, plus à fond, ou plus finement. On a l’impression de lire des ébauches, le programme d’écriture de Somoza pour les vingt prochaines années. Si c’était le cas, ça aurait du sens. Sinon…

Tétraméron, José Carlos Somoza

L'avis d'Anudar

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