The Butcher of the Forest - Premee Mohamed

Il y a des années de ça, quelqu'un disait dans une interview : « Les Blancs nous emmerdent avec leurs problèmes » . C'était Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino – je ne sais plus lequel – et il parlait, si mes souvenirs sont bons, des clips de Talking Heads ou de Laurie Anderson. Tu vois, lecteur, que je source avec grande qualité cette brève chronique. Que celle de ces deux personnes qui s'est vraiment exprimé sache que, dorénavant, c’est à peu près tout le monde qui nous emmerde avec ses problèmes. Démarrer ainsi la chronique de The Butcher of the Forest , novella fantastique de Premee Mohamed, te permet de subodorer, sagace lecteur, que je ne l'ai pas vraiment appréciée. Détaillons un peu plus. Temps et lieu indéterminé. Espace-temps des contes. Veris est une femme d'une quarantaine d'années qui vit dans un petit village, au cœur d'une région conquise par un tyran (oui, c'est son seul nom dans le texte) après une guerre et des massacres innommabl...

Mercier au Congo


14-18, la Grande Guerre ; et surtout la Première Guerre Mondiale. Il y eut bien deux fronts en Europe continentale : le Front de l’Ouest et le Front de l’Est. On sait, plus ou moins, que la guerre fit rage aussi dans les Balkans (voir Capitaine Conan) ou dans l’Empire Ottoman (Lawrence d’Arabie, bien sûr, mais aussi Gallipoli). On oublie souvent qu’elle se transporta également en Afrique, dans les colonies européennes.

C’est au Congo Belge qu’arrive l’aviateur Gaston Mercier en 1915, au bord d’un lac Tanganyika qui n’aurait jamais cru voir des troupes européennes (au moins par l’encadrement et le drapeau) s’étriper sur ses berges. Avide de colonies africaines, l’Allemagne menaçait ce Congo Belge créé de toutes pièces par le colonisateur européen quelques décennies auparavant. Presque complètement envahie (restait Ypres), la Belgique ne voulait pas perdre en plus « son » territoire africain. L’Allemagne, elle, comme d’autres crises (Agadir par exemple) l’avaient montré, voulait se tailler l’empire colonial auquel elle estimait avoir droit, et accéder ainsi à des ressources indispensables à ses visées de guerre. Face à face donc, autour du Tanganyika en 1915, plusieurs milliers de Congolais commandés par quelques centaines de Belges et plusieurs milliers d’autres Congolais, menés ceux-là par quelques centaines d’Allemands. Au milieu du lac, le redouté cuirassé allemand Graf Von Gutzen. Le couler serait la cerise sur le gâteau de la mission des troupes belges car cela ouvrirait la voie de l’Afrique Orientale Allemande.

Dès son arrivée en garnison, Mercier se voit affecter un éclaireur/informateur (l’album dit un « fixeur » mais le terme me semble anachronique) surprenant, en la personne de Madame Livingstone. Truculent métis toujours vêtu d’un kilt écossais, Livingstone prétend être le fils du célèbre explorateur anglais. Fort en gueule, intelligent, connu de tous, Livingstone est une aide précieuse pour Mercier. Il connaît parfaitement le terrain, et utilise au mieux les réseaux dont il dispose pour faire du renseignement (pendant que les officiers européens dorment, toute une vie locale continue, riche d’informations échangées). D’assistant en position d’infériorité, Livingstone devient progressivement l’ami de Mercier, le premier blanc, dit-il, qui l’écoute.

Amitié, respect, rencontre véritable entre deux hommes qui se reconnaissent comme tels, Mercier et Livingstone montrent que racisme et méfiance ne sont pas inévitables même s’ils sont la norme à cette époque. La hiérarchie militaire utilise les troupes locales comme de la chair à canon (on rappellera néanmoins que, de ce point de vue, les troupes européennes ne furent pas mieux traitées en Europe). Les collègues de Mercier font preuve de toute la morgue qu’on peut attendre d’hommes de leur monde. L’identité des hommes, la géographie, la culture ou l’histoire politique de ce qui est devenu le Congo Belge n’intéresse personne parmi les européens. Les bars ne servent pas les « indigènes », fussent-ils des combattants risquant quotidiennement leur vie pour les occupants. La zone des Grands Lacs est le terrain de jeu de monarques européens, et ses habitants des pions sur des cartes d’états-majors.

Folie de la Grande Guerre. On goutera l’absurdité de batailles navales entre Belges et Allemands sur les eaux du lac Tanganyika. On pleurera la mort de nombreux congolais enrôlés de force dans une guerre qui ne les concernaient pas pour défendre les drapeaux d’inconnus vivant à 6000 kilomètres.

On appréciera la pertinence et la délicatesse avec lesquelles cette histoire est racontée, entre vérité historique et imaginaire biographique. Le dessin est pour cela d’une grande aide. Dès la première page, on est happé par la beauté des images. Superbes, les planches sont traitées à l’aquarelle, sur fond de papier visible. Si peu encrées parfois qu’il semble qu’il n’y ait que du crayon fort, elle ont un charme désuet qui plonge le lecteur, mieux que de longues descriptions, dans l’ambiance d’un monde qui n’est plus. C’est beau et juste.

Bonus non négligeable : l’album comprend une préface et un cahier historique qui en enrichissent la lecture.

Madame Livingstone, Baruti, Cassiau-Haurie

L'avis de Nicolas Winter 

Commentaires

Escrocgriffe a dit…
La Première Guerre mondiale dans toute son absurdité...
Gromovar a dit…
Je crois qu'ici les records étaient battus et pourtant ce n'était pas facile.