Eric LaRocca - As-tu mérité tes yeux ?

Agnes Petrella est une jeune américaine un peu dans la dèche. Elle est lesbienne aussi, ce qui ne change pas grand chose à l'histoire au début alors que « dans la dèche » en est le point de départ. En ce 26 mai 2000, Agnes, qui a besoin de 250$ pour payer son loyer du mois, poste sur un forum queer une annonce pour mettre en vente un épluche-pomme vieux de plus d'un siècle. Contrairement à ce qui se pratique habituellement, elle a composé pour ce faire un message de presque quatre pages dans lequel elle explique avec force détails à quel point cet épluche-pomme est un élément important de son histoire familiale et donc à quel point aussi il lui est pénible de s'en séparer. Nécessité faisant loi elle s'y est finalement décidée mais, dit-elle, elle ne consentira à vendre l'objet qu'à un collectionneur sérieux (!). Deux jours plus tard, après quelques réponses insultantes, Agnes en reçoit une intéressante d'une certaine Zoe Cross qui dit être intéressée et prêt...

Null


Un vieux détective retiré et reconverti en éleveur d’abeille, l’année 1944, un petit juif muet porteur d’un perroquet qui récite des séries de chiffres en allemand, des personnages troubles, un mauvais garçon fils d’un couple au bout du rouleau. Le tout écrit par Michaël Chabon l’auteur du très bon et uchronique Club des policiers Yiddish. A priori, cette grosse centaine de pages sentait bon. Mais, comment dit-on ? On ne juge pas un livre à sa couverture.

"The Final Solution" est à la fois la réponse définitive qu’il faudrait trouver à un mystère et aussi un grand secret à dévoiler. Le grand secret est si incroyable, si humainement incroyable, que même le plus grand esprit déductif d’Europe s’y cassera les dents et ne parviendra pas à le percer ; il ne résoudra que le prosaïque mystère. Un meurtre, pas les six millions d’autres.

Si cette grosse centaine de pages avait tout pour plaire, comment a-t-il donc échoué ?

Trop de points de vue (même celui du perroquet) pour trop peu de pages. Un personnage de Détective Conseil retiré dans l’apiculture, vieilli, fatigué, perclus de rhumatisme, atteint d’instants de décrochage intellectuel, qui au final n’est jamais accrocheur (je n’ai pas dit aimable, Sherlock Holmes ne l’est jamais) et résout son affaire presque par hasard. Et surtout, une volonté de faire absurde ou parodique, illustrée notamment par de très longues périphrases, et qui prouve, par son échec, que tout le monde ne peut s’improviser Monty Python. Qu’on me comprenne, je n’ai rien contre les images ou les métaphores, bien au contraire, quand elles servent à enrichir ou embellir ce qui est dit, pas quand elles détournent l’attention du point central, au fil d’un détour de production qui semble viser l’humour mais dont on peut se demander s'il ne sert pas surtout à « faire « écrivain ».

Pour conclure, "The Final Solution" est tout ce que l'excellent Fatherland de Robert Harris n’est pas. Ce n’était certes pas le bût, mais s’opposent ici, sur des thématiques proches, un très bon roman à un qui rate son objectif.
Et sur nazisme, enquête, et Angleterre, la victoire revient au très piquant Farthing de Jo Walton.

The Final Solution, Michaël Chabon

Commentaires

A.C. de Haenne a dit…
Quoi ? Un Chabon mauvais ? C'est possible ?

A.C.
Gromovar a dit…
Étonnamment, oui.