The Butcher of the Forest - Premee Mohamed

Il y a des années de ça, quelqu'un disait dans une interview : « Les Blancs nous emmerdent avec leurs problèmes » . C'était Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino – je ne sais plus lequel – et il parlait, si mes souvenirs sont bons, des clips de Talking Heads ou de Laurie Anderson. Tu vois, lecteur, que je source avec grande qualité cette brève chronique. Que celle de ces deux personnes qui s'est vraiment exprimé sache que, dorénavant, c’est à peu près tout le monde qui nous emmerde avec ses problèmes. Démarrer ainsi la chronique de The Butcher of the Forest , novella fantastique de Premee Mohamed, te permet de subodorer, sagace lecteur, que je ne l'ai pas vraiment appréciée. Détaillons un peu plus. Temps et lieu indéterminé. Espace-temps des contes. Veris est une femme d'une quarantaine d'années qui vit dans un petit village, au cœur d'une région conquise par un tyran (oui, c'est son seul nom dans le texte) après une guerre et des massacres innommabl...

Juvenilia


Les éditions ActuSf viennent de sortir un recueil de nouvelles de George R.R. Martin, "Au fil du temps", principalement composé d’œuvres de jeunesse ou du moins des premières années de création de l’auteur. La plupart des textes publiés ici sont inédits en français ce qui ravira une grande partie du lectorat.

L’intérêt non négligeable de ce recueil est, pour le lecteur, d’assister à la progression du talent de Martin, à la maturation visible de son style, au fil du temps justement. Qu’y trouvons-nous donc ?

Le recueil s’ouvre sur La forteresse, texte étonnant car cette nouvelle fut le devoir de fin d’études scandinaves de GRRM. Il y raconte l’histoire vraie de la forteresse de Sveaborg, bastion suédois « imprenable » conçu et construit pour s’opposer à la montée en puissance de la Russie voisine. En 1808, après un siège très court, et alors que la place ne semblait pas menacée, son commandant, l’amiral Cronstedt, la livra aux Russes en acceptant une reddition qui rien ne semblait justifier. Texte étonnant par sa genèse et son objet donc, étonnant aussi pour le lecteur de Martin car ce n’est pas un texte de l’Imaginaire. Martin fait œuvre d’historien ici, il restitue simplement sous forme romancée le résultat de ses recherches sur cet événement qui marqua le début de la chute géopolitique de la Suède.

Et c’est plus de dix ans après que George Martin, devenu GRRM, reviendra à Sveaborg pour livrer une nouvelle version de son texte, mêlant peur nucléaire caractéristique de la Guerre froide, post-apo, voyage dans le temps et velléité uchronique. On y découvre, par l’Imaginaire, une tentative de changer le passé ancien dans l’espoir de modifier un présent insupportable. Le fond est donc radicalement différent, mais la forme aussi. Le style de Martin est bien plus riche, les images, nombreuses, de bien belle facture ; on retrouve ici la verve et le souffle de l'auteur du Trône de Fer. Avec Assiégés, Martin boucle de belle manière sa propre boucle.

Et la mort est son héritage est un texte, simple mais intéressant, qui met en scène une tentative de modifier non le passé mais l’avenir, en réorientant le cours prévisible de l’Histoire par le biais d’un changement ponctuel. Dans ce texte, le héros de Martin réagit radicalement à une menace fasciste, pour constater avec dépit combien il est difficile de prévoir ce qu’un changement amènerait tant l’ingénierie temporelle ne peut être considérée comme une science exacte. Psycho-Histoire pour débutants.

Week-end en zone de guerre est un texte intéressant par la progression psychologique de son personnage principal. Quand chacun peut acheter un week-end de combat à armes réelles, les frustrations et les rancœurs trouvent à s’exprimer d’une manière inédite, heureusement encore impossible dans notre propre monde. Quand l’animal humain n’est plus contraint par aucune borne morale, tout devient possible en terme de comportement. C’est cela le point de la nouvelle, bien plus qu’une critique de la société du spectacle.

Une affaire périphérique est un petit texte de space opéra volontairement léger. Martin y met en scène un voleur assez rusé pour prendre en défaut l’intelligence d’une flotte spatiale. Prévisible, il se déroule sans susciter de grand moment d’excitation.

Vaisseau de guerre est aussi du space opéra. Très court, il surprend par sa chute. C’est déjà quelque chose.

Globalement, ces deux textes, n’apportent pas grand chose à l’univers de l’Imaginaire ou à la connaissance de l’auteur si ce n’est peut-être de préfigurer son roman Le voyage de Haviland Tuf.

Puis vient le gros morceau du recueil.
Variantes douteuses est la plus longue nouvelle, c’est aussi la plus réussie. Lors de retrouvailles entre anciens partenaires d’une équipe d’échecs (on apprend à cette occasion que GRRM fur un joueur universitaire de très bonne tenue) dans le chalet isolé de l’un d’entre eux devenu millionnaire, les comptes se règlent, les vérités sont dites, et il faut choisir entre ressasser ad nauseam ou aller de l’avant pour défricher de nouveaux horizons. Rancœur, vengeance, voyage temporel s’y mêlent pour une réflexion intéressante sur la vie, sur les choix qu’on fait et qui en rendent d’autres inévitables, sur la réduction progressive du nombre des possibles qui accompagne l’avancée en âge, et sur les moyens, qui existent toujours pour peu qu’on accepte de se décentrer et de les voir, de se choisir une nouvelle ligne ou de tenter à nouveau ce qu’on croyait avoir définitivement raté. Sensible, stressant par son ambiance, Variantes douteuses est un texte de très bonne qualité dans lequel s’exprime ce qui fait la marque de Martin : de l’Imaginaire porté par des personnages en lutte pour la domination.

Au final donc, un recueil intéressant qui atteint même au nécessaire avec ce Variantes douteuses dans lequel GRRM décrit d’une manière limpide des parties d’échec réelles et figurées, même si on regrettera quelques grosses coquilles qui se voient comme le nez au milieu de la figure.

Au fil du temps, George R.R. Martin

Commentaires

Raven a dit…
Lui c'est un peu comme pour Gaiman je crois, j'ai envie de lire tout ce qui est publié, le bon comme le moins bon ! ^^
Gromovar a dit…
Tu auras les deux dans ce recueil :)
Lorhkan a dit…
De nouveaux récits de Martin, ça ne se refuse pas... ;)
Gromovar a dit…
Yep :)

Comme ça, nous finirons par être des sommités martiniennes ;)
Xapur a dit…
Je lorgne dessus depuis sa sortie...
Gromovar a dit…
Ca se lit bien.
Efelle a dit…
J'ai hésité à le prendre, ce sera pour mon prochain passage en librairie.
Gromovar a dit…
C'est plutôt bon, mis à part les deux textes space-op.
Escrocgriffe a dit…
George a vraiment un talent protéïforme… C’est étrange de se dire que, pour beaucoup de gens, il est uniquement l’auteur de « Game of thrones » !
Gromovar a dit…
Alors qu'il a écrit les si beaux Riverdream et The Aramgeddon Rag.
Tigger Lilly a dit…
Je ne savais pas qu'il y en avait un petit nouveau tiens. Martin est aussi efficace en format nouvelle qu'en format long, je me le procurerai certainement
Gromovar a dit…
Bonne idée pour mieux connaitre le bonhomme.