La Migration annuelle des nuages - Premee Mohamed

Post-apo intimiste, monde effondré, référence à The Last of Us . Dans La Migration annuelle des nuages suivez les traces d'une jeune femme qui se demande si elle peut quitter sa famille et sa communauté pour répondre à l'appel d'un avenir meilleur. Une lecture très plaisante. Et, oui, c'est bien mieux que The Butcher of the Forest . Je ne peux en dire plus car ma chronique sera dans le Bifrost n° 118, et elle ne reviendra ici qu’un an après la sortie de la revue (c’est à dire, pfff…). Je peux au moins donner le résumé de la couv’ car celui-ci est disponible partout : Une communauté unie est toujours plus forte face aux inévitables effondrements que l’avenir dessine. Celle d’Edmonton, ville en ruines au cœur du Canada, oscille au jour le jour entre rudesse et recherche d’un meilleur confort. Un équilibre que l’apparition du cad, un parasite semi-conscient qui influence le comportement de son hôte, teinte de drame. La vie ne sera plus jamais comme avant, mais ...

Heureux avènement


The Courtyard est un comic lovecraftien de Moore et Burrow. On y retrouvait, dans une histoire trop linéaire et courte, une ambiance et un ton qui rendaient parfaitement hommage au vieux maitre de Providence, dont on fêtait hier le 123ème anniversaire de la naissance.

On y restait néanmoins un peu sur sa faim. Frustration soulagée grâce à "Neonomicon", suite assumée de l’œuvre précédente par les mêmes auteurs. Avatar a eu la bonne idée d'unir les deux comics sous la même couverture, ce qui permet à de nouveaux lecteurs d’avoir le tout en une fois et de ne pas s’arracher les cheveux après la fin inconclusive de The Courtyard.

Dans "Neonomicon", prix Bram Stoker 2011 catégorie Graphic Novel, deux agents du FBI reprennent à leur compte l’enquête avortée de Courtyard, après l’échec tragique de leur prédécesseur. Ignorant des blasphèmes qui pavent la route sur laquelle ils s'engagent, ils vont aller aux limites de la folie et rencontrer un destin au-delà de l’imaginable.

Le scénario de "Neonomicon", stressant et dérangeant, est un bien beau travail de mise en abyme de l’œuvre de Lovecraft. Au-delà des références lovecraftiennes, déjà présentes dans le préquel The Courtyard, et de celles aux illustres prédécesseurs de HPL qui l’ornementent , "Neonomicon" présente une histoire dans laquelle l’œuvre du maître de Providence est connue de l’un des enquêteurs – qui la présente à ses collègues - ce qui les pousse à maintes spéculations erronées sur l’origine des meurtres, mais aussi, et c’est plus sinistre, sur l’origine de l’inspiration de HPL. Parcourant de nouveau le chemin, suggéré dans The Courtyard, qui conduit de Horreur à Red Hook au Cauchemar d’Innsmouth en passant sans en avoir l’air par l’Abomination de Dunwich, Moore revisite le Mythe, et le transporte ici et maintenant, lui donnant un caractère prophétique plus qu’inquiétant. Ce qui sera peut être raconté comme si ça avait été. Malheureusement pour nous, l’espace-temps aussi est non-euclidien.

Pour son Dracula, Francis Ford Coppola choisit un angle bien plus érotique que celui du roman. C’était un moyen, le seul peut-être, d’instiller, pour le public mithridatisé de la fin du XXème siècle, les sentiments de gêne et de transgression qui saisissaient les lecteurs du roman de Stoker, un siècle auparavant. Moore choisit le même angle pour son "Neonomicon", tentant ainsi d'instiller en ses lecteurs les sentiments d’ignominie et de perversion évoqués par Lovecraft dans ses textes. Moore choisit de montrer ces unions contre nature, contraire à toute raison ou décence, qui, dans les récits de Lovecraft, sont racontées, sans détail explicite, rappelés comme des faits ayant eu lieu « précédemment ». Ce faisant, Moore atteint son objectif - rejoignant dans le même mouvement celui de son illustre devancier – créer une histoire choquante qui illustre, par l’exemple, une vision pessimiste de l’Homme et de la Nature.

Le lecteur est saisi de malaise ; gêné et tendu, il ne peut qu’éprouver dégout et horreur pour les fanatiques adorateurs des Anciens et leurs abominables pratiques. Il ressent l’ignoble et la perversion, non pas intellectuellement mais physiquement ; c’était le bût.

Paradoxalement, alors que l’œuvre comme la vie de Lovecraft se caractérisent par une absence presque totale de sexe, le "Neonomicon" de Moore met celui-ci au centre du récit (rappelons néanmoins que le monsieur est un habitué du fait). Reprenant la délirante théorie reichienne des orgones, Moore fait de l’orgie sexuelle, et singulièrement de l’orgasme, une source d’énergie presque illimitée qu’il est possible de soumettre aux plus étranges usages.
Moore et Lovecraft apparaissent alors comme les deux faces d’une même pièce. Révélant les points aveugles de l’œuvre de Lovecraft, Moore expose ses propres filtres perceptifs. L’asexuel et l’hypersexuel, l’abstinent et le priapique, tournant autour du même objet, de la même énergie qui fait se mouvoir l’univers.

Refermant "Neonomicon", on se dit que ce comic est une réussite objective, et Moore un parfait connaisseur d’HPL dont la rouerie éclate sur les quelques planches finales. Bravo.

Neonomicon, Moore, Burrow

A réserver à un public averti.

Commentaires

Le pendu a dit…
Lu sur ton conseil. C'est très malin et bien fichu en plus d'avoir un certain humour. J'ai bien aimé.
Gromovar a dit…
Bonne pioche alors.

Super.