"La volonté du Dragon", le court
roman de Lionel Davoust situé dans le monde d’Evanégyre, fourmille d'idées
originales et intéressantes. Il raconte la tentative d'annexion d'un petit
royaume périphérique, Qmharr, arriéré et médiéval, par l’empire d’Asreth, la
plus grande puissance économique, scientifique, militaire, et donc politique, mondiale.
Le monde que décrit Davoust est
attirant. Énormes guerriers en armures arcaniques, navires
« scientifiquement » mystiques, armes excluant de la réalité
(rappelant certaines créations de Pierre Bordage), Evanégyre est un univers
arcanepunk, avec tout ce que cela comporte d'émerveillement.
Au-delà du cadre, il y a
l’histoire. Dans son roman, Davoust décrit l'arrogance de la grande puissance,
sa méconnaissance de la culture de l'agressé et des réalités du terrain, il
montre comment la guerre n'est jamais ni rapide ni propre, et comment le faible
peut blesser gravement le fort en profitant de son outrecuidance. Il décrit un
empire sûr de sa force, mais aussi et surtout de son bon droit, qui considère que la
conquête du monde entier est le seul moyen viable de faire régner un ordre
satisfaisant sur toute la planète. Il est difficile, en lisant "La volonté du
Dragon", de ne pas penser aux États-Unis, et particulièrement à la frange néo-conservatrice
de sa classe politique. Il est difficile aussi, de ne pas penser à l'Irak ou à
l'Afghanistan, voire au Vietnam, et à l’humiliation quotidienne qu’eurent à y
subir les armées américaines. Davoust développe aussi les notions de liberté
individuelle et de soumission, il justifie théoriquement les deux approches, et
oppose ainsi deux systèmes politiques. On sent qu’il y a beaucoup à découvrir
sur l'empire, sa technologie magique, son « Dragon », superbe et
mystérieuse, qui gouverne l'empire et le guide ; on sent même qu'il y aurait
beaucoup à découvrir sur Qhmarr, son organisation sociale et politique, son
respect illimité du destin symbolisé par le concept de lâh, son souverain
autiste génial, ses nobles dont le rôle n'est pas clair.
Il y avait de ces vérités entrevues
dans « Par-delà les murs », la nouvelle publiée dans l'anthologie
Victimes et Bourreaux. Cette nouvelle m'avait passionné, et m'a poussé à lire "
La volonté du Dragon" pour en savoir plus sur Evanégyre.
Malheureusement, j'essaie toujours
d'en savoir le moins possible sur les livres que je lis, et ici ça m’a
desservi. J'entrai donc en confiance dans la volonté du Dragon sans imaginer
que le gros du récit consisterait en une (épique) bataille navale. Or je n'aime
pas les récits maritimes, et encore moins les récits de bataille navale. Ce
roman et moi nous sommes manqués ; j'espère vivement que Lionel Davoust
écrira d'autres nouvelles ou d'autres romans situés dans ce monde d' Evanégyre
que je me ferai un plaisir de parcourir à nouveau, pourvu que ce ne soit pas
sur l'eau.
La volonté du Dragon, Lionel Davoust
Commentaires
Plus sérieusement, je le lirai sûrement, ayant aimé la nouvelle dans Victimes et Bourreaux et appréciant aussi les bateaux.
Très bonne lecture pour ma part, et qui m'a bien surpris !