Europe, 1914. L'Europe est au bord de la guerre. L'assassinat d'un archiduc la plonge dans le drame. Ca vous rappelle quelque chose ? Et pourtant...
Le vieux continent de Westerfeld est divisé entre Darwinistes et Clankers. Menés par l'Angleterre, les Darwinistes utilisent les découvertes de la génétique (et le décryptage des fils de vie contenus dans les cellules) pour créer des chimères qui servent au transport, aux télécommunications, ou à la guerre. La plus belle des créations britanniques est Léviathan, un immense flotteur, une sorte de baleine volante militaire remplissant globalement les fonctions d'un porte-avions. Léviathan est, plus qu'un simple être vivant, même fantastique, un écosystème pour quantités de créatures modifiées (chauve-souris de bombardement, lézards à message, etc...) qui la servent et l'utilisent. Léviathan est le fleuron de l'Air Force britannique et n'a rien à envier au Kraken de la Marine. Du côté des Empires Centraux, on est Clanker. Dégoutés et effrayés par les "monstres" darwinistes qui offensent la Création, les Clankers ont développé une technologie mécanique avancée qui évoque un croisement fécond entre Star Wars et le Steampunk. Avions ou mécanopodes sont les instruments qu'utilisent les teutons pour faire la guerre, dans la plus grande tradition Krupp-Thyssen.
Alek, jeune prince orphelin, fuit son pays après l'assassinat de ses parents et se réfugie en Suisse avec quelques partisans et un mécanopode. Au même moment Deryn, orpheline écossaise, entre dans l'Air Force britannique en se faisant passer pour un garçon. Les hasards de la guerre qui vient les amèneront à se rencontrer et à se connaître.
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Léviathan" est un roman qui possède de nombreuses qualités. L'uchronie décrite par Westerfeld est crédible et passionnante. L'opposition entre généticien et mécanicien est finement rendue avec des implications religieuses et idéologiques, des oppositions internes, etc... Les choix techniques des deux camps reflètent et stimulent des choix idéologiques, qui ne sont pas sans rappeler les arguties de notre temps sur les recherches en génétique. Le fossé culturel qui existe entre un membre de l'élite, comme le prince Alek, et le peuple des villes est superbement mis en évidence par l'incapacité du prince à communiquer avec ses sujets sans être immédiatement identifié comme noble, tant son langage et ses postures détonnent, et les difficultés qu'il a à accomplir des actes aussi simples que l'achat d'un journal. La paranoïa propre aux temps de guerre est aussi parfaitement rendue par l'auteur, ainsi que les spécificités de sociétés machistes dans lesquelles existaient néanmoins de rares femmes fortes aux qualités exceptionnelles.
Mais surtout "
Léviathan" est un très bon roman Jeunesse. Il est rempli d'action, rapide et trépidante. Il passe avec succès les différentes stations du roman d'apprentissage. Alek grandit au fil de sa fuite, il découvre un monde dont son éducation l'isolait, il gagne en confiance et en compétence. Il cesse d'être un ballot transporté en sécurité par des serviteurs zélés et tend à devenir le leader qu'il devra être un jour. Pour ce qui est de Deryn, elle affirme son indépendance, prouve à tous sa valeur, et conforte ses choix, face à l'adversité d'un monde qui voudrait la confiner à des tâches ménagères en raison de son sexe (même si elle doit continuer à le dissimuler). Et chacun d'eux découvre, au contact de l'autre, que sous l'uniforme ennemi se trouve un être humain, et que la coopération des intelligences est toujours féconde.
Et pourtant, c'est cette qualité Jeunesse qui est à mon avis le défaut majeur du livre pour un lecteur adulte. L'orphelin en fuite est un archétype de la littérature Jeunesse, la fille qui se fait passer pour un garçon (et qui leur en remontre), aussi. Il n'y a pas de surprise. De même, certaines situations, comme les chamailleries entre cadets, à bord du Léviathan, sont des classiques du roman d'internat (genre typiquement britannique qui a produit Harry Potter). Enfin, les sentiments sont un peu trop bons à mon sens, trop bienveillants, et la confiance est trop facilement gagnée et accordée.
Deryn ponctue ses phrases de la très puérile interjection "Nom d'une pipe en bois", et, comme elle, le roman manque globalement de dureté, de sexe et de rock'n'roll.
On notera pour finir que le livre est superbement illustré par Keith Thompson.
Léviathan, Scott Westerfeld
L'avis de
Pitivier
L'avis de
Val
Lu dans le cadre du
challenge Winter Time Travel de Lhisbei.
Commentaires
Bon globalement, je suis d'accord avec toi même si je trouve que le couple Deryn/Alek est mieux foutu que dans les autres romans jeunesse que j'ai pu lire. Mais c'est vrai que dans l'ensemble c'est léger.... Mais très efficace.
je te link.
(et si tu veux du sexe => bit lit ... ;) )
Pour le sexe, la bit lit ; et pour le rock'n'roll, une idée ? ;-)
Sinon visiblement pas ma came, pas assez rock'n'roll pour reprendre tes propres termes... :)
Pour le rock'n roll, les dossier Dresden c'est sympa.